Le mercredi 7 juillet, dans les townships et les quartiers chics de Cape-Town, Durban, Joburg, etc., les gens d’en-bas et ceux d’en-haut ont retenu leur souffle. Sous leurs yeux, s’est déroulé un événement peu banal, la reddition et l’arrestation, après une résistance héroïque à la justice, de Jacob Zuma, ancien syndicaliste, compagnon d’infortune de Madiba Mandela à l’hôtel 5 étoiles de Robben Island et, qui plus est, est ancien Chef d’État sud-africain de 2009 à 2018. In extrémis, il a accepté de se conformer à la demande de Dame Thémis et s’est constitué bagnard. Il a été mis au gnouf, d’Escort dans le Kwazulu-Natal. Comme un pauvre hère. Mais de quelle forfaiture cette grosse légume du coin est-elle donc coupable ? Fort de son background politique et social, Jacob Zuma a été plus que condescendant à l’endroit de la justice qui souhaite tout juste bavarder avec lui à propos de quelques millions de rands disparus miraculeusement des caisses du trésor public durant sa controversée gestion jalonnée de récurrentes rumeurs de corruption.

L’Afrique du Sud parait bien différente de la quasi-totalité des États du continent. On peut oser affirmer que l’apartheid aussi abject qu’elle ait été, a légué à l’Afrique du Sud un niveau de culture de bonne gouvernance qu’on ne trouve nulle part sur le continent. Là-bas au moins, on n’a pas jeté l’eau de bain avec le bébé. On s’est débarrassé de la ségrégation raciale et on a capitalisé le mode de gestion politique et économique exercé par un État de droit avéré.

La majorité présidentielle organisée autour de l’ANC est, en son propre sein, un modèle démocratique élaboré dont devraient s’inspirer les regroupements tribaux prétendument qualifiés de partis politiques qui prolifèrent dans les États africains. C’est l’ANC soi-même qui fait le ménage en sa demeure à l’approche du scrutin présidentiel. Elle met très démocratiquement à sa tête son futur candidat, signifiant ainsi à celui qui exerce la fonction de Président de la République que sa réélection est compromise. Les successeurs de Mandela, Thabo Mbeki et Jacob Zuma en ont fait, à leurs dépens, la triste expérience. Ils ont été écartés du pouvoir pour laisser les coudées franches dans la désignation du candidat susceptible de rallier suffisamment d’électeurs sur son nom. Thabo Mbeki a été viré au profit de Jacob Zuma qui l’a été, à son tour, pour faire de la place à Cyril Ramaphosa. Les responsables de l’ANC, en adoptant les bonnes pratiques démocratiques comme principes de gouvernance de leur parti, ont intériorisé les fondamentaux de l’État de droit de sorte que nombreux sont ceux qui, parmi eux, s’accommodent aisément des exigences de cet État, une fois qu’ils sont au pouvoir.

Ce qui précède explique la mésaventure de Zuma contraint par la loi de la République de mettre fin à un stérile bras de fer avec la justice et la police, démontrant à son corps défendant que nul n’est au-dessus de la loi. Tous les observateurs, y compris les moins avisés tels que les pseudos Mandela, ont conclu qu’en Afrique, pareille mésaventure ne peut se produire à présent qu’en Afrique du Sud. Ailleurs dans les républiques monarchiques nègres où on est en quête de stratégies pour assurer l’alternance par dévolution monarchique du pouvoir, un tel épilogue n’effleure personne. Le président-monarque a droit de vie ou de mort sur ses sujets, il n’a de comptes à rendre à personne. La justice, c’est lui. L’État de droit, c’est encore lui.

Abraham Kayoko Doré