C’est l’été dans l’Hémisphère nord, Alpha Condé s’envole pour l’Italie en vacances, laissant son pays balloté entre crises sanitaires et économiques. Trouvera-t-il le repos ? Ses opposants remobilisent leurs troupes, décidés de lui réserver un accueil mouvementé.   

Après une année 2020 électorale et électrique, jalonnée d’âpres luttes menées par les adversaires du troisième mandat, Alpha Condé devrait être essoufflé. Surtout pour ses 83 ans révolus. S’en est suivie une année 2021 de crise économico-sanitaire, d’immenses attentes populaires à satisfaire. Alpha Condé avait donc besoin de vacances. Il n’en avait pas pris l’année dernière.

Ce mardi 10 août, il s’est envolé pour la Turquie, chez son ami Recep Tayyip Erdoğan, pour « quelques jours de visite d’Etat et de travail », confie un des proches du chef de l’Etat. Ce n’est qu’après ce séjour turc que commenceront les vacances présidentielles prévues normalement en Italie. La France, qu’il connaît et fréquente depuis son adolescence, n’est-elle plus une destination idéale pour se reposer ? Ce qui est évident, les rapports entre Paris et Conakry se sont détériorés depuis le passage en force pour le troisième mandat.

A plusieurs occasions, le président guinéen a affirmé son attachement à la souveraineté de son pays, s’est interrogé pourquoi certains présidents africains auraient-ils droit à une présidence à vie, et pas lui ? Beaucoup demeurent convaincus que face à la problématique du troisième mandat en Guinée et en Côte d’Ivoire, Paris n’a pas eu la même attitude. Emmanuel Macron s’était même montré plus clément et compréhensif envers Alassane Ouattara en reprenant l’argument de cas de force majeure brandi suite au décès inattendu d’Amadou Gon Coulibaly, ancien Premier ministre et dauphin du président ivoirien.

Vacances mouvementées

Alpha Condé a-t-il évité son deuxième pays en raison du nombre important de la diaspora guinéenne – donc de ses adversaires, en France ? Son repos à l’Hôtel Raphael de Paris, où il séjourne régulièrement quand il est de passage dans l’Hexagone, a été souvent perturbé ces dernières années par des manifestants hostiles au régime de Conakry. L’Opposition, empêchée de manifester en Guinée depuis l’avènement de la quatrième République (et du troisième mandat), serait bien tentée de saisir l’occasion pour tester ses capacités de mobilisation.

Eviter Paris ce n’est pas forcément trouver la quiétude. « Par voie de presse, nous avons été informés que le dictateur Alpha Condé sera présent en Italie, ce mardi 10 août 2021, pour passer ses vacances aux frais du contribuable guinéen dans un contexte où la population est plongée dans l’extrême pauvreté et le pays sous perfusion. A cette occasion, l’antenne du FNDC-Italie, de l’ANAD et toute la diaspora guinéenne en Italie promettent de réserver un accueil digne d’un tyran au dictateur Alpha Condé », menacent, dans un communiqué conjoint du 9 août, le Front national pour la défense de la Constitution et l’Alliance nationale pour l’alternance démocratique.

Le fer de lance de l’opposition au troisième mandat d’Alpha Condé et le collectif des partis politiques ayant soutenu la candidature de Cellou Dlain Diallo, président de l’Union des forces démocratiques de Guinée, à la présidentielle du 18 octobre 2020. Tous les deux digèrent encore mal le fait de n’avoir pu empêcher Alpha Condé de diriger la Guinée après ses deux mandats constitutionnels. Affaiblis par l’arrestation et l’emprisonnement de leurs membres respectifs, à l’interne, sont-ils forts à l’extérieur ? « L’antenne du FNDC-Italie, de l’ANAD et toute la diaspora guinéenne en Italie mettront la présence du dictateur Alpha Condé sur le sol italien à profit pour dénoncer ses crimes de sang, la prise en otage des acteurs politiques et de la société civile et la confiscation du pouvoir à travers un troisième mandat illégal et illégitime »,   avertissent le FNDC et l’ANAD.

Climat de tensions et de crises

Alpha Condé laisse derrière lui, en Guinée, un climat de tensions due à la hausse du prix du carburant, entraînant un débrayage des transporteurs. S’y ajoutent une crise sanitaire provoquée par la flambée du Coronavirus, l’apparition à Guéckédou de la fièvre à virus de Marburg, pour la première fois en Afrique de l’Ouest, mais également une folle rumeur faisant état d’éventuel remaniement gouvernemental. Certains confrères vont jusqu’à annoncer l’entrée de certains membres de l’Opposition, voire de l’UFDG, dans le gouvernement. « Cette affirmation ne repose sur rien et l’on se demande d’où elle vient. Lors de la nomination du gouvernement, le président Alpha Condé avait annoncé que l’équipe reste en place pour deux ans. Le Premier l’a lui-même réitéré. On s’en tient à cela », réagit un ministre qui a requis l’anonymat, tout en rappelant que l’actuel gouvernement a encore moins d’un an d’existence.

Une autre rumeur évoque des relations « difficiles » entre Alpha Condé et son Premier ministre Ibrahima Kassory Fofana. Quoiqu’il en soit, ce dernier, comme s’il tenait à réaffirmer son autorité (ou cherchait quoi faire), a publié un communiqué relatif à la composition du Secrétariat permanent du cadre du dialogue politique et social. Le Premier ministre y invite « les institutions, les partis politiques et les organisations de la société civile à se concerter pour désigner, dans les meilleurs délais, leurs représentants ». Avec la multitude de partis politiques et de désaccord au sein de l’Opposition, qui n’a droit qu’à deux représentants et leurs suppléants (à l’instar de la Mouvance présidentielle), la tâche s’annonce ardue. Heureusement, le communiqué de la Primature ne donne aucun deadline. Rien ne presse.     

Diawo Labboyah Barry