En mai, de l’or a été découvert dans la préfecture de Gaoual, une ville aux allures d’un gros village, dépourvu d’infrastructures notamment routières. Depuis, la région attire du monde venu des quatre coins du pays, à la recherche du métal zone. Une exploitation clandestine défie l’État, malgré́ la présence de la grande muette, entrainant des affrontements violents entre autochtones et nouveaux venus, destruction de l’environnement. (Récit de notre envoyé́ spatial)
En quatre mois, Gaoual est passé de ville-bourg quasi dé- sert à un eldorado convoité par des gens venus de partout, y compris au-delà̀ de la Guinée. Même si les plus nombreux sont des orpailleurs venus de la Haute Guinée. Depuis que le gouvernement a officiellement interdit l’exploitation de l’or, les vagues de personnes de départ ont diminué́. Désormais, place à l’exploitation clandestine de l’or, pratiquée par certains orpailleurs qui sont restés et qui investissent nuitamment les sites à la recherche de l’or. Pourtant, les sites sont protégés par l’armée qui a érigé des tentes tout au long du gisement. Une vaste étendue à perte de vue. Le site de l’or de Gaoual est situé́ à 7 km de la ville et c’est le long de la route que des orpailleurs déterminés à exploiter l’or ont aussi construit des hangars à l’aide des bâches bleues de l’autre coté de la route, en face des militaires.
Plus de 400 jeunes pour faire le boulot de l’État
L’exploitation clandestine de l’or est au prix d’une entente sur fond de corruption tacite- ment conclue entre les deux groupes, au détriment des populations autochtones de Gaoual interdites d’accès au site. Cela avait provoqué́ des protestations souvent réprimées. Des femmes également s’étaient révoltées contre cette pratique et avaient exigé́ la réouverture des sites miniers pour que les jeunes du terroir au chômage puissent travailler. Sans succès. Ensuite, il fut question d’associer les jeunes dans la sécurisation du site aux côtés des militaires. Ainsi plus de 400 jeunes volontaires ont été recrutes pour sur- veiller la zone d’exploitation. Ils s’abritent sous un grand hangar construit également au bord de la route nationale Boké́-Gaoual-Koundara, non loin du site. Chaque jour, ils reçoivent dons et encouragements. Jusque-là̀, ils affichent une solide union pour barrer la route à l’exploitation clandestine de l’or. «Nous n’accepterons pas que notre environnement soit détruit sans que nous n’en bénéficions. Aujourd’hui, tout le monde apprécie notre engagement à̀ préserver notre richesse», explique Agui Bou Diallo, directeur préfectoral de la jeunesse de Gaoual.
Un orpailleur a élu domicile dans un tunnel !
En groupe de 20 personnes, les jeunes entrent en brousse à tour de rôle pour vérifier s’il n’y a pas d’orpailleurs qui exploitent clandestinement l’or. Avant d’entrer dans le site, un appel nominal est fait, tout comme à la sortie pour s’assurer que tout le monde est de retour. On ne sait jamais… Pour une question de sécurité́, les jeunes s’arment de bâtons et de gourdins pour sillonner le si- te et un groupe peut faire au moins trois heures d’inspection de l’ensemble du site. «Notre rôle, c’est de faire respecter la décision du gouvernement interdisant l’exploitation de l’or parce que nous constatons qu’il y a régulièrement des activités sur le terrain», a expliqué́ Amadou Fofana, un des leaders des jeunes de Gaoual. Selon lui, quand un orpailleur est pris sur le site, son matériel est retiré́. Les jeunes ont déjà̀ saisi de nombreux objets: machines de prospection, motos, marteaux piqueurs et autres outils d’exploitation déposés à la police, puis dans un magasin du camp militaire de Gaoual. Ils prévoient d’en faire l’inventaire et de fixer l’amende en fonction de la valeur de l’objet saisi. Reste à̀ savoir qui empochera les sous au finish.
Malgré cette surveillance, des orpailleurs professionnels entrent dans le site pour exploiter et cela généralement la nuit. «Ce n’est pas facile de dissuader les orpailleurs d’aller dans le site. Ils sont téméraires, mais notre action attenue l’exploitation de l’or sur le site. On ne peut pas les empêcher à 100% puisqu’ils sont présents dans la ville. En plus, le site est très vaste et les orpailleurs ont beaucoup de techniques pour y entrer. Dans notre recherche, un jour nous avons trouvé́ un orpailleur qui avait creusé un tunnel d’au moins 10 mètres de profondeur et 20 mètres de longueur où il avait élu domicile : il faisait la cuisine là-bas, tous ses besoins de- dans et il nous a dit qu’il a fait un mois dans le trou», a indiqué́ Amadou Fofana.
Tension et psychose
La ville de Gaoual et la sous-préfecture de Kounsitel sont en tension permanente depuis qu’elles ont été envahies par des vagues de chasseurs d’or. Les autochtones et les or- pailleurs se regardent en chien de faïence. Le sentiment d’être envahi et de se voir déposséder de leurs ressources gagne de plus en plus les populations de Gaoual. Partout, les jeunes et les femmes fustigent cet envahissement et à chaque fois veulent en découdre avec les orpailleurs. Dans la matinée du vendredi 14 août, une rumeur d’attaque contre les jeunes a créé un mouvement de panique au marché central, chose fréquente, selon un citoyen de Gaoual: «Nous voulons que les orpailleurs rentrent chez eux jusqu’à ce que le gouvernement réglemente et autorise l’exploitation de l’or. Nous sommes tous des Guinéens. En ce moment, nous pourrions tous exploiter et gagner chacun sa vie».
Kounsitel débordé !
Amadou Fofana pense que dans cette situation de confusion, seuls les orpailleurs et les forces de l’ordre gagnent. C’est à Kounsitel où se trouve le gisement le plus important que la situation est pire. Là-bas, les orpailleurs sont plus nombreux que les jeunes de la localité́. L’organisation des jeunes pour surveiller la localité n’y suffit pas. Les orpailleurs ont accès au site à tout moment, selon un habitant de Kounsitel. En cette période d’interdiction, c’est pendant la nuit que l’exploitation est accrue dans la zone. Les orpailleurs dictent leurs lois dans la localité. Fâchés contre Mamadou Cellou Camara, le directeur sous-préfectoral de la jeunesse, les orpailleurs ont attaqué et pillé, avant d’incendier sa maison. Ils sont ensuite allés casser la maison des jeunes et détruit le matériel qui s’y trouvait, sans rencontrer de résistance de la part des jeunes débordés. Les forces de l’ordre sont également restées indifférentes, dénoncent des témoins. Pour sauver sa vie, le directeur sous-préfectoral de la jeunesse a quitté la localité en attendant un retour au calme. Contrairement à ce qui a été dit, on a toutefois déploré aucun blessé ni perte en vie humaine.
A Kounsitel, les orpailleurs ont installé un campement. Comme à Gaoual, partout il y a des hangars coiffés de bâches bleues. Certains auraient déjà acheté des terrains. A défaut d’être permanent dans le site minier, d’autres orpailleurs se sont temporairement mués en conducteurs de taxi moto. Comme pour dire qu’ils ne sont pas prêts à repartir.
«Il faut que l’Etat prenne ses responsabilités»
Autre fois, si Gaoual était une ville non fréquentée, aujourd’hui le gros bourg avec ses rues boueuses et ses maisons en banco commencent à accueillir commerçants et autres activités génératrices de revenus. On aperçoit désormais de nombreuses motos neuves dédiées au taxi, des vendeurs d’articles divers pullulent le coin avec des objets à prix d’or. Evidemment, l’augmentation du prix du carburant est passée par là. Des femmes vendeuses d’aliments, riz, haricots, salades et autres aliments tirent leurs épingles du jeu. D’où le souhait des femmes de voir la reprise officielle de l’exploitation de l’or. Des vidéos clubs et autres lieux de loisirs sont de plus en plus fréquentés. Chaque jour, de nouvelles figures arrivent à Gaoual pour inspecter les lieux pour de possible investissement. «A partir du moment qu’on a découvert de l’or à Gaoual, il y aura toujours des gens qui vont venir. Personne ne peut empêcher cette migration et cela va continuer. Rien ne va arrêter cette situation. Il suffit que les autorités prennent leurs responsabilités», a indiqué Mous- sa Camara, natif de la ville.
Comme beaucoup de villes du bled, Gaoual n’a pas suffisamment d’électricité. EDG en fournit de 19h à 1h du matin. Cela fait 4 jours que le groupe électrogène est en panne, les agents d’EDG attendent Conakry pour le réparer.
En un laps de temps, une grande partie de l’environne- ment a été dévastée. Des arbres coupés, des trous profonds et larges creusés partout. Certains témoins interrogés confient que des champs sont dévastés au profit de l’or, l’agriculture menacée. A Gaoual pour marcher dans la brousse désormais, il faut prendre garde au risque de tomber dans un trou et y perdre la vie. Les animaux sont souvent retrouvés morts dans des trous creusés par les orpailleurs, alors que la zone est très propice à l’élevage. Malgré la pluie, c’est déjà caniculaire à Gaoual.
Ibn Adama (Envoyé spatial)