Autrefois, les manifestations de rue mettaient aux prises opposants et farces de l’ordre. Depuis qu’elles ont été interdites, on s’affronte par tribunes et justice interposées. C’est la philosophie du gouverner, s’opposer et mater…autrement !  

Cumulativement à ses fonctions de ministre d’Etat conseiller perso d’Alpha Grimpeur, ministre de l’Industrie et des PME, le P’Tit Bout Kamara porte, depuis avril, la voix du goubernement. En remplaçant à ce poste l’éloquent ministre de l’Enseignement supérieur, Zagamort(ou vif) Sylla. Sa nomination est intervenue dans un contexte de tensions politiques, à l’interne, et de crise diplomatique dans les relations de la Guinée avec notamment l’Occident. Le tout provoqué par la question du troisième mandat arraché au forceps. On peut y ajouter une crise économique générée par, outre la crise politique (la Guinée s’est saignée pour organiser trois scrutins en un an !), le Coronavirus et plus récemment l’augmentation du prix du carburant à la pompe. Trouver les maux, que dis-je, les mots pour jouer à l’avocat (du diable ?) dans un tel contexte relève du parcours du combattant. Même si le P’Tit Bout Kamara a toujours su tirer son épingle du jeu. En 2008, déférant à une convocation du capitaine El Dadis qui venait de s’emparer du pouvoir après la mort de Fory Coco, il en était reparti avec un poste ! Après des années d’exil sous l’Alpha-gouvernance, il est aujourd’hui un élément clé du régime.

Plus prolifique que jamais…

Autre particularité : le P’Tit Bout Kamara sert chaque régime comme si c’était le dernier. Chez lui, il n’y a pas de demi-mesure. Depuis qu’il est le porte-parole du gouvernement, il est devenu très prolifique. C’est à se demander s’il écrivait autant même quand il administrait son journal L’Observateur ! «La justice se prononce sur des faits, des hors-la-loi campent sur leurs méfaits» ; «Quand des hommes se prennent pour Dieu…» ; «Le Professeur Alpha Condé en congé ? Travailler le repose, ne rien faire le fatigue !» ; «La justice est l’affaire de tous». Ce sont là des titres de tribunes qu’il a écrites en une semaine (entre le 19 et le 26 août) ! Sans compter le communiqué du gouvernement suite au décès de la fille du PM Don Kass ; celui de la Présidence confiant l’intérim de ce dernier à Mohamed Diané, le ministre de la Grande muette ; les précisions et les réponses aux polémiques qui en ont suivi ; l’exhumation du mandat d’arrêt contre Sékou Koundouno émis depuis mai ; la réplique à la réaction du Sid Touré sur ledit mandat d’arrêt… Sans oublier ses autres charges de ministre de l’Industrie et des PME, de conseiller personnel d’Alpha Grimpeur. Il mérite mieux que des félicitations d’un Bouréma Condé ! 

Plutôt la plume que la rue

Le porte-voix du gouvernement n’est pas prolifique pour rien : il communique, répond, réplique, apporte des précisions, justifie, défend ou fait l’éloge du Prési Grimpeur et de son régime, tance ses adversaires politiques ou de la société civile… Selon lui, ses écrits n’ont aucune visée personnelle. On ne pourrait pourtant occulter les passes d’armes entre lui et certains membres de l’opposition ou du FNDC, comme Sékou Koundouno, auteur pour sa part de ces tribunes évocatrices : «La justice ne doit pas être un instrument de la dictature» ; «Quand des larbins se prennent pour des modèles»…

Ce dernier publie quasiment tous les jours depuis le Sénégal ou la France, pour clouer au pilori le régime Condé et ses partisans, dont le porte-voix du gouvernement souvent nommément cité. Outre le responsable planification et stratégies du FNDC, il y a aussi le chargé des opérations Ibrahima Diallo, dans une moindre mesure et surtout, l’avocat (sans vinaigrette) Mohamed Traoré qui apporte un regard juridique et critique sur l’actualité sociopolitique du pays.  

Cette abondance d’écrits est sans doute due également à l’interdiction des manifs par le pouvoir : depuis l’avènement de la fameuse quatrième République et du Covid-19, la rue a cédé la plume aux tribunes relayées aussi bien sur les réseaux sociaux que dans les médias, notamment en ligne. Depuis le 20 mars, l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) tient des assemblées générales hebdomadaires virtuelles, sur Facebook et YouTube. Son siège et son quartier général étant fermés. Ces deux endroits sont interdits d’accès depuis que son leader, la Petite Cellule Dalein Diallo, s’est autoproclamé vainqueur de la présidentielle du 18 octobre.

Abdoulaye Bah, ancien maire de Kindia et membre de l’UFDG, qui s’est amusé à donner raison à son leader a été cueilli et ramené au gnouf, après avoir bénéficié, trois semaines auparavant, d’un controversé régime de semi-liberté pour raison de santé. Si le transfert des manifs de rue sur les réseaux sociaux et dans les médias fait l’économie des morts par balle, la répression judiciaire est, quant à elle, en vogue. L’Hôtel cinq étoiles de Coronthie et la barre du tribunal accueillent à bras ouverts ceux qui se montrent trop critiques envers le pouvoir. Désormais, les armes de la plume et les balles de la justice remplacent les kalachnikovs et les débrayages : gouverner, s’opposer et mater…autrement !

Diawo Labboyah