En dépit de l’interdiction gouvernementale, les orpailleurs persistent à exploiter clandestinement les nouveaux sites aurifères de Gaoual. La destruction de l’environnement impacte négativement sur l’élevage, autrefois très propice dans la zone. Moussa Camara, président de l’Union préfectorale de l’élevage de Gaoual en parle dans cet entretien qu’il a accordé à notre rédaction.

Quel est l’impact de l’exploitation clandestine de l’or sur l’élevage ?

En tant qu’éleveur, la découverte de l’or n’est pas avantageuse pour nous. Nous ne savons pas où trouver du pâturage pour nos bêtes.  Aujourd’hui, l’exploitation de l’or n’est pas règlementée. Si toute la brousse est occupée, nous ne saurons pas où donner de la tête. On creuse partout des trous de 10 mètres de profondeurs sans refermer, si des vaches et   des veaux tombent dedans, ils meurent.

Avant, nous vivions de l’élevage et de l’agriculture. A Gaoual, 80% à 90% des habitants sont des éleveurs. Tous ces bétails sont en brousse mais aujourd’hui, ils ne peuvent pas se mouvoir en sécurité. C’est très difficile pour nous. On devait réglementer l’exploitation, délimiter les espaces : indiquer où nos animaux peuvent brouter et les sites dédiés aux orpailleurs. On ne doit pas permettre l’exploitation anarchique, la destruction complète de l’environnement. Nous souffrons et nous nous demandons comment notre bétail va survivre.

Depuis le début de l’exploitation de l’or, quels sont les dégâts que vous avez subis ?

Il y a des dégâts tous les jours, parce que l’exploitation anarchique de l’or continue. Nos animaux se promènent dans la brousse. Récemment, il y a eu un bœuf qui est tombé dans un trou de 10 mètres et généralement ce sont des enfants qui vont à la recherche des vaches en brousse. Ils sont impuissants face à une telle situation. Pire, tous les jours, on tue nos bœufs pour les manger en brousse. Cela est devenu monnaie courante à Gaoual. Ce sont là des difficultés auxquelles nous sommes confrontés aujourd’hui.

Il faut que l’Etat prenne ses responsabilités pour limiter les dégâts. Il ne faut pas laisser les gens détruire la brousse. Depuis très longtemps, on savait qu’il existait de la richesse sous le sol. Ce n’est pas la première fois qu’on nous a dit qu’il y a de l’or à Gaoual. Depuis la colonisation, nous savions qu’il y avait de l’or à Gaoual. Si l’exploitation n’est pas réglementée, ce sera l’anarchie.  

Vous avez rencontré les autorités préfectorales et communales. Quelles sont les mesures qu’elles envisagées pour préserver l’élevage ?

Après plusieurs entretiens avec les autorités locales, nous avons compris que seul le gouvernement peut gérer cette situation. L’autorité locale ne peut que faire l’état des lieux et remonter les informations au gouvernement afin que l’exploitation soit règlementée. Si quelque chose arrive spontanément, ce n’est pas facile que les autorités locales puissent y faire face. Au début, le nombre de personnes qui étaient là faisait peur.  Les motocyclistes se conduisaient imprudemment : il y avait beaucoup d’accidents, avec de nombreux blessés. Ils creusaient le cimetière, nos lieux sacrés. Si le gouvernement n’interdisait pas pour la première fois, je ne pense pas que nous allions pouvoir vivre ici, à plus forte raison notre cheptel. Nous avons informé les autorités locales des difficultés que nous rencontrons. Elles nous ont dit   les avoir remontées au gouvernement. C’est à ce dernier de prendre des dispositions pour freiner le phénomène.

Le gouvernent a pourtant interdit l’exploitation de l’or…

Nous n’avons pas encore constaté l’effectivité de cette interdiction. Jusqu’à présent elle se poursuit. Je ne crois pas que les orpailleurs ont respecté la consigne. Les populations veulent qu’ils rentrent chez eux en attendant que l’exploitation soit règlementée. Mais jusque-là, ils sont là. C’est au gouvernement de prendre ses responsabilités pour que l’exploitation clandestine cesse. Nous n’avons pas constaté des retombées de cette exploitation ici. On nous a dit qu’une mission est arrivée pour faire des études, qu’ils sont en train de travailler. Nous attendons de voir. Ce que les gens veulent, c’est que les orpailleurs rentrent chez eux en attendant la règlementation. Qu’on sache si l’or de Gaoual est d’une bonne teneur et d’une importante quantité. Si la situation actuelle perdure, nous ne savons pas quoi faire de notre cheptel.  

Interview réalisée par Mamadou Adama Diallo

(Envoyé spécial)