L’interdiction de l’exploitation de l’or a fait plus mal à la population et à l’environnement que la découverte de la mine. Avant, c’était deux sites qui étaient exploités. Après l’interdiction, les orpailleurs ont investi la brousse pour creuser partout : même le cimetière de Kounsitel n’a pas été épargné, des champs sont dévastés. Aujourd’hui, on dénombre plus de 28 sites miniers à Kounsitel, selon les estimations de Saliou, un citoyen de la localité en colère. Dès les environs de la ville, on aperçoit les traces de l’exploitation : arbres coupés, cours d’eaux menacés et des flancs de montagnes creusés, des trous béants où des bœufs, moutons, chèvres et autres ruminants sont souvent retrouvés morts.
Certains orpailleurs interrogés ne cachent pas qu’ils exploiteront l’or, en dépit de l’interdiction du gouvernement. « Nous sommes des Guinéens qui, avant, se rendaient au Mali, au Sénégal et au Burkina à la recherche de l’or. Maintenant qu’on en a chez nous, nous n’irons nulle part. C’est ici que nous allons exploiter. Le gouvernement ne peut pas nous en empêcher. C’est impossible ! Il n’y a pas de travail en Guinée, au lieu de se lancer dans l’immigration clandestine, nous allons exploiter l’or de chez nous », défie Ibrahima Keita, orpailleur venu de Dinguiraye. Nous l’avons trouvé sur le site de Kounsitel avec son matériel en pleine journée, le dimanche 15 Août. Non loin de là, Alhassane Sidibé, un autre orpailleur venu de Siguiri n’est pas moins déterminé à braver l’interdiction des autorités. Il demande plutôt aux populations de Kounsitel d’accepter de collaborer avec les orpailleurs pour le bénéfice de tout le monde. Car, de toute façon, eux, vont exploiter l’or de gré ou de force. A la question de savoir pourquoi, ils n’épargnent pas champs, cimetières…, l’orpailleur l’explique par l’incompréhension entre orpailleurs et populations.
Pots-de-vin
Les autochtones eux accusent les forces de défense et de sécurité de complicité avec les orpailleurs. « Ce sont les militaires qui permettent aux orpailleurs d’accéder au site. Ils leur font payer entre 5 00 000 et un million de francs pour les laisser exploiter », accuse Samba Camara, dont le champ d’anacarde a failli être la cible des orpailleurs. Il affirme que l’interdiction n’est valable que pour les fils de Kounsitel. Ce qui les agace et les rend impuissants face aux nombreux orpailleurs restés en périphérie de la ville.
Lanfia Kouyaté, préfet de Gaoual, semble impuissant. « A Kounsitel, il y a des sites de plusieurs kilomètres, où des gens font des actions isolées. Comme ils sont confiés aux militaires, les gens pensent qu’il ne peut pas y avoir d’exploitation sans leur complicité. Mais chaque fois qu’une telle information est remontée à notre niveau, en relation avec l’autorité militaire, nous nous rendons sur les lieux pour chasser les orpailleurs clandestins et renforcer la présence militaire sur le terrain ».
L’ultimatum
Les autorités locales avaient donné un ultimatum de 72 heures aux orpailleurs de déguerpir. Et cet ultimatum devait expirer ce lundi 16 août. Mais jusqu’à 16h, aucun orpailleur n’a bougé d’un iota, leurs tentes à bâches bleues tiennent toujours débout. Selon des témoins, l’exploitation a continué de plus belle ce lundi.
Si la plupart des orpailleurs rencontrés sont déterminés à exploiter clandestinement l’or, quelques rares d’entre eux entendent se conformer à la mesure d’interdiction du gouvernement, sans toutefois envisager de rentrer. « Mon équipe et moi sommes là depuis deux mois. Nos frais de séjour proviennent de notre village Diatiféré (Dinguiraye). Seulement, attendrons-là jusqu’à ce que le gouvernement nous permette de travailler. Cela prendra le temps que ça prendra. Nous sommes des orpailleurs de naissance, nos arrières grands-parents ne connaissaient que ça. Donc c’est de cela que nous allons vivre. Dieu merci, une nouvelle mine d’or est découverte chez nous en Guinée. Nous comptons en profiter ».
A la sortie de Kounsitel pour Koundara, un dispositif sécuritaire mixte (gendarmerie, police et l’armée) filtre le trafic : tous les motocyclistes qui se dirigent vers cette sortie où se trouvent les sites aurifères sont contraints de rebrousser chemin.
Ibn Adama, envoyé spécial