De sa naissance à sa mort, la vie de la femme guinéenne se résume à un long, un très long chemin de croix. Chez nous, son sort est scellé avant qu’elle n’apprenne à dire « néné » ou « baba ». Elle n’a pas ouvert les yeux sur le triste visage du monde, que déjà, on a gravé dans sa tête sa condition d’être inférieure, taillable et corvéable, à merci. Le comble, c’est que tout y concourt aux yeux des phallocrates qui régentent ce pays : la tradition, la morale, la religion, même la loi depuis que l’Assemblée nationale version troisième mandat a officiellement rétabli la polygamie (dont l’interdiction fut d’ailleurs toute théorique, malgré les discours tonitruants et pseudo-progressistes de Sékou Touré).
Si de ce dernier à Alpha Condé, nos présidents ont changé, la condition de nos mères, de nos compagnes et de nos filles est restée dramatiquement la même. Malgré Facebook et Instagram, malgré les mégapoles et les androïdes, malgré toutes les nouveautés du monde moderne, dans notre esprit, l’image de la femme se limite encore aujourd’hui à son double rôle de bête à plaisir et de pileuse de mil. C’est dans un pays comme le nôtre que cette dégradante notion de « sexe faible » prend tout son sens. Chez nous, la femme est bien plus proche du vil objet que de l’être humain. En dehors de la besogne et du lit, elle n’existe pas. Rien pour elle : ni l’amour, ni le droit, ni la tendresse, ni la courtoisie même pas le bénéfice du legs familial !
Pour d’évidentes raisons, les relations hommes-femmes sont mauvaises, très mauvaises dans ce pays et la relation père-fille est la plus exécrable de toutes. Ici, le père est le pire ennemi de la fille. Il est le responsable de tous ses malheurs. C’est lui qui la conduit à l’excision. C’est lui qui viole son enfance en lui imposant le mariage précoce. C’est lui qui interrompt ses études pour la marier de force. C’est lui qui la conduit dans l’odieux système de la polygamie.
On ne compte plus le nombre de nos jeunes filles mariées à 13 ou 14 ans, répudiées à 20 ans avec deux ou trois gosses dans les bras et qui sont contraintes de faire le trottoir pour acheter les Pampers et le biberon.
L’excision, le mariage précoce, le mariage forcé, la polygamie ! Autant dire, la peste, le choléra, le SIDA et le Coronavirus ! Quatre fléaux, quatre inguérissables pandémies pour la jeune guinéenne ce, dans une société qui lui est hostile à tous les âges de son existence ! Ces pratiques d’un autre âge ne font pas que bousiller sa vie, elles induisent aussi un dysfonctionnement social sur lequel nos sociologues devraient se sérieusement pencher un jour.
Prenons le cas du mariage forcé qui est souvent endogame. La tradition veut que l’on offre la cousine au cousin. Or, l’expérience prouve que ce genre de liaison ne dure jamais longtemps. Et qui dit divorce dans ce cas dit déchirure : les deux branches de la famille entrent aussitôt en guerre. Une guerre à très long terme dans une société mesquine où l’on hérite de la rancune des aïeux en même temps que des bijoux de famille.
Prenons le cas du mariage précoce. Ce n’est rien d’autre que la pédophilie, une pédophilie que les us et coutumes ont arbitrairement légitimée. A cet âge, on n’a pas affaire à une femme mais à une enfant, une enfant particulièrement vulnérable aussi bien sur le plan biologique que sur le plan psychologique. C’est la période où la femme est la plus féconde, la seule où elle l’est à 100%. C’est la période où les risques de grossesse sont les plus élevés.
Que faire alors que les hommes y trouvent leur compte et que l’Etat s’en fout ? Se tourner vers les jeunes mamans d’aujourd’hui et leur dire : « Refusez que vos filles soient excisées ! Protégez-les du mariage précoce, du mariage forcé et de la polygamie ! Les pauvres, elles n’ont rien d’autre que vous. Evitez-leur le calvaire qu’on vous a fait subir !
Faites barrage, sauvez les fruits de vos entrailles !
Tierno Monénembo