Le général de division Mamadouba Toto Camara, ancien chef d’état-major de l’armée de terre, ancien ministre, a rendu l’âme des suites de maladie. Retour sur la vie d’un officier qui a côtoyé le pouvoir sans en prendre la tête.

Le général de division Mamadouba Toto Camara a passé l’arme à gauche, lundi 23 août, après une longue maladie. Limogé de son poste de ministre de la Sécurité et de la protection civile en 2012, lors du premier remaniement gouvernemental de l’ère Alpha Condé, puis inculpé pour son rôle présumé dans le massacre du 28 septembre 2009, l’officier s’était fait oublier. Au soir de son décès, dans un communiqué, le ministre de la Défense nationale a présenté «ses condoléances les plus attristées à la famille éplorée, au président de la République, chef suprême des armées, au Chef d’état-major général des armées ainsi qu’à l’ensemble des Forces de défense et de sécurité»

«Il était d’une profonde humanité, d’une extrême candeur qui contrastent un peu avec le profil militaire et sa vocation de soldat. Il était toujours dans un esprit de consensus, de rassembleur et a contribué à l’avènement de ce pouvoir civil. C’était un homme d’exception qui, bien que militaire, avait une ambition nationale pour le pays qu’il a eu l’occasion d’exprimer pendant les deux phases de la transition, entre 2008 et 2010», réagit le porte-parole du gouvernement, ministre d’Etat conseiller personnel d’Alpha Condé, ministre de l’Industrie et des PME, Tibou Kamara.

Destin présidentiel manqué

Ne vous fiez pas à son sobriquet de « Toto », on dit de lui qu’il fut brillamment formé à Saint-Cyr et à l’Institut de défense nationale, à Paris, membre influent au sein de l’armée guinéenne. On lui a prêté aussi d’avoir voulu renverser le pouvoir d’un Lansana Conté malade. Conséquence : en 2004, Mamadouba Toto Camara sera arrêté et emprisonné, avec certains cadres de l’Union des forces républicaines (UFR) de Sidya Touré : Rougui Barry, ancienne maire de Matam, Baïdy Aribot et Ibrahima Capi Camara, qui occupent actuellement et respectivement les fonctions de vice-gouverneur de la Banque centrale de Guinée et de directeur général de l’Office guinéen de publicité. Un autre nom avait alors circulé : celui du Français Christian Lestavel, complice pour les uns, taupe pour les autres. « Toto » sera nommé par la suite attaché militaire à l’ambassade de Guinée aux Etats-Unis, plus pour l’éloigner du pouvoir que par promotion. A l’instar aujourd’hui d’un certain général Aboubacar Sidiki Camara alias Idi Amin, passé, depuis janvier 2019, de directeur de cabinet au ministère de la Défense à ambassadeur de Guinée à Cuba ?

Mamadouba Toto Camara était chef d’état-major de l’armée de terre lors du décès en décembre 2008 de Lansana Conté. Il fut nommé numéro deux et premier vice-président du Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD), après Moussa Dadis Camara, le patron de la junte qui avait ravi le pouvoir à Aboubacar Somparé, alors président de l’Assemblée nationale et dauphin constitutionnel du défunt régime. « Toto » hérite du portefeuille de ministre de la Sécurité, sans devenir pour autant le président par intérim de la Transition quand, le 3 décembre 2009, Aboubacar Toumba Diakité mettra définitivement hors-jeu Dadis, en manquant de peu de l’assassiner d’une balle dans la tête. Le rapport de forces aura profité au général Sékouba Konaté.

Un officier sans troupes ?

«Il a toujours été soupçonné de vouloir s’emparer du pouvoir d’Etat. Tout le monde a pensé qu’à la mort du général Lansana Conté que c’est lui qui aurait pris le pouvoir, puisque c’est lui qui était le plus pressenti pour diriger la junte militaire, étant l’officier le plus ancien», remarque Tibou Kamara qui fut également un membre influent de la transition militaire sous notamment Sékouba Konaté. «Malheureusement, renchérit-il, le rapport de forces était en faveur du capitaine Dadis qui s’est imposé devant lui. Pour le respect de son grade, à défaut d’avoir été président de la transition, il a été désigné premier vice-président du CNDD et ministre de la Sécurité. C’était un lot de consolation pour quelqu’un qui devrait occuper la première place. Pour les mêmes raisons de rapport de forces, lorsque le capitaine Dadis s’est retiré, la première place est revenue au général Sékouba Konaté. Les deux étaient plus proches des troupes, avaient leur confiance et leur soutien. On peut raisonnablement donc parler d’un destin présidentiel maintes fois manqué du général Toto. A chaque fois, il y a eu un événement de dernière minute, un obstacle à son accession au pouvoir».

Diawo Labboyah Barry