Libéré il y a moins d’un mois pour « raison de santé », l’ancien président de la délégation spéciale de Kindia et membre de l’Union des forces démocratiques de Guinée est retourné en prison ce lundi. Abdoulaye Bah est accusé de s’être livré à « des appels à la désobéissance civile et des atteintes aux institutions de la République », après avoir proclamé sur Facebook la victoire à l’élection présidentielle du 18 octobre dernier de son leader Cellou Dalein Diallo.

« Rappelez chaque jour qu’El Hadj Mamadou Cellou Dalein Diallo est élu depuis le 18 octobre 2021 président de la République de Guinée… ». Voilà les propos qui ont valu à Abdoulaye Bah la révocation de sa liberté conditionnelle octroyée depuis le 16 juillet. L’opposant retourne en prison. Bénéficiant d’une liberté conditionnelle, Ousmane Gaoual Diallo, Ibrahima Chérif Bah, Cellou Baldé et Abdoulaye Bah sont sortis de la Maison centrale de Conakry, le 17 juillet dernier.

Selon le communiqué de la Direction nationale de l’administration pénitentiaire et de la réinsertion, ces responsables de l’UFDG, un temps hospitalisés au CHU Ignace Deen pour raison de santé, bénéficient de cette semi-liberté pour pouvoir se soigner. Mais cette joie fut de courte durée pour Abdoulaye Bah. L’ancien président de la délégation spéciale et maire autoproclamé de Kindia a vu son régime de semi-liberté être révoqué. Il a été déposé à nouveau à la Maison centrale de Conakry, ce lundi 9 août. La raison de cette interpellation, une vidéo postée sur les réseaux sociaux par un militant de l’UFDG dans la journée du samedi, dans laquelle Abdoulaye appelait les militants de l’UFDG à continuer le combat jusqu’à ce que Cellou Dalein Diallo récupère sa ‘’victoire’’ à la présidentielle d’octobre 2020 : « Rappelez chaque jour qu’El Hadj Mamadou Cellou Dalein Diallo est élu depuis le 18 octobre comme étant le président de la République de Guinée. Alpha Condé n’est pas Président. S’il veut, qu’il enferme tous les Guinéens à Coronthie. S’il y a de la place là-bas, le peuple n’a qu’à aller, six millions, huit millions, dix millions de personnes n’ont qu’à tous aller en prison. Nous vous prions, dans vos plateformes, il y en a beaucoup, dans vos WhatsApp, sur les réseaux sociaux, rappelez chaque matin, quand vous vous réveillez, avant de vous brosser les dents, que c’est El Hadj Cellou Dalein qui est le Président de la Guinée depuis le 18 octobre. Alpha Condé est un ancien Président ».

« Abdoulaye Bah n’était pas libre »

Selon la Direction nationale de l’administration pénitentiaire et de l’insertion, ces propos tenus dans cette vidéo sont de nature à « provoquer une désobéissance civile et constituer une atteinte aux institutions de la République ». Mais pour Joachim Baba Millimouno, coordinateur adjoint de la Cellule de communication du principal parti de l’opposition, l’opposant n’a fait qu’appeler à la poursuite de la lutte politique : « Ce n’est pas une arrestation, mais une révocation de sa semi-liberté. Il n’était pas en liberté, c’est leurs conditions de détention qui ont été allégées. Cela veut dire qu’à tout moment, ils pouvaient retourner en prison, c’est ce qui vient d’arriver dans son cas ».

Et Joachim Baba Millimouno de revenir sur les circonstances de la déclaration de Abdoulaye Bah : « Un des jeunes de l’UFDG est allé lui rendre visite hier. Ils ont fait un direct ensemble sur Facebook dans lequel Abdoulaye Bah a dit que la lutte continue. Il a appelé les gens à ne pas fléchir et à continuer à défendre la victoire de Cellou. Ce sont ces propos qui lui ont valu son retour en prison ».

Avec cette arrestation d’Abdoulaye Bah, on comprend que le Président Alpha Condé et ses lieutenants ne blaguent pas un seul instant avec le 3e mandat acquis au bout d’un combat âpre, ponctué de dizaines de morts et d’innombrables dégâts matériels. C’est à se demander même si Abdoulaye Bah a eu le temps de démarrer son traitement médical. Cette arrestation montre également que ces libertés conditionnelles, à la légalité contestée par certains observateurs, ne se justifiaient pas seulement par la nécessité des soins. Les autres sont avertis, la consigne c’est sûrement « consacrez-vous à vos soins et fermez vos bouches ».

Yacine Diallo