Le 16 août, les conducteurs des bus de la société Albayrak ont déclenché une grève illimitée. Ils ont protesté le matin devant le siège de la société à Matoto. Laye Nongo Mansaré du syndicat des transporteurs de la société est dépité par le fait que les négociations stagnent: « Pour la première fois, nous avons déposé notre plateforme de revendications mais ça n’a pas abouti. Depuis deux mois, nous sommes en négociations sans succès. Nous avons déposé notre préavis de grève bien avant la journée d’aujourd’hui, sans suite ».

A propos des motifs de la grève, il renchérit : « Nous leur avons demandé : un contrat de travail, une affiliation à la Caisse nationale de sécurité sociale, une augmentation salariale. En vain. Nous ne pouvons rien faire sans contrat. Nous travaillons sous la pluie, sans même un imperméable de 15 000 GNF qu’ils refusent de nous acheter. Ils ont formé une équipe de mécaniciens pour faire sortir les bus et montrer à la population qu’ils circulent.  Nous sommes plus de 400 travailleurs ».

Arrestations

Mobilisés devant le siège de la société de transport lundi matin, pour protester contre leurs précaires conditions de travail, les grévistes ont été accueillis par les forces de l’ordre. « Ce matin, nous sommes venus revendiquer, mais les gendarmes nous ont dispersé et arrêté notre secrétaire général, certains syndicalistes et d’autres vendeurs des tickets. Beaucoup de mes amis sont en prison. Pourtant, c’est une grève pacifique. Quand nous nous sommes regroupés, ils nous ont demandé de sortir. Nous n’avons pas jeté de cailloux », s’insurge Laye Nongo Mansaré, qui n’entend pas abdiquer : « Nous continuons la grève jusqu’à ce que nous trouvions une solution. Ces arrestations ne vont pas nous empêcher de continuer la grève. Nous sommes prêts à aller jusqu’au bout ».

Interpellation de Alpha Condé

 Ansoumane Kaba, contrôleur, en colère : « Le président de la République avait ordonné à la société de payer les salaires avant la fête de Tabaski. J’ai vu des contrôleurs, des receveurs et des vieux conducteurs pleurer parce qu’ils n’ont reçu aucun franc. Ceux qui sont venus pour la négociation nous disent que le ministre des Transports n’est pas au courant de la situation. Pourtant, nous voudrions que le ministre et le président de la République en soient informés. Nous souffrons, nous n’allons pas nous laisser faire. Beaucoup parmi nous sont des traîtres, des infiltrés. 90 % des contrôleurs, 70 % des receveurs et conducteurs sont des diplômés de la hiérarchie A. Ce ne sont pas des fainéants. Nous savons que le président de la République n’est pas informé de ce que nous traversons. Nous l’interpellons et lui demandons de trouver une solution. Nous n’avons pas de contrat ni d’équipements. Chaque fois, la direction procède à des licenciements abusifs des travailleurs ».

Réactions de la direction générale

 Pour Canan Sahbaz, directrice de communication du groupe Albayrak Guinée, le service continue: « Depuis 6 h 30 minutes, je suis au bureau. Tous nos chauffeurs étaient là. Nous avons eu 25 bus qui sont sortis ce matin et le service continue normalement. Aujourd’hui, c’est un jour férié, le service n’est pas comme d’habitude. Nous avons fait un plan d’opération pour ce lundi, des bus entrent et sortent ».

Toutefois, renchérit-elle, « Nous sommes déçus d’enregistrer des dégâts en route. Quand les bus sont à l’arrêt, des individus non identifiés sont venus endommager dix d’entre eux. Ensuite, quand le chauffeur s’est arrêté pour prendre des passagers, quelqu’un a coupé le câble de l’essence qui s’est déversé. Nous trouvons cela triste. Les bus ne sont pas pour la société ni pour l’Etat, c’est pour la population ».

« Des bus attaqués par des individus non identifiés »

Pour Albayrak, le déclenchement de la grève n’a pas obéi à la procédure normale : « L’avis de grève a été déposé alors que  nous étions en cours de négociations. La Centrale syndicale et l’Inspection générale du travail sont au courant. J’ai été surprise de voir samedi sur un site internet que la grève a été annoncée. La grève, c’est un droit. Nous ne sommes pas contre, étant dans un pays démocratique.  Chaque personne qui veut travailler, la porte lui est grandement ouverte ».

Quid des arrestations des grévistes ? « Je ne suis pas au courant des arrestations et de tout ce qui se passe en dehors du garage », rétorque Canan Sahbaz. Albayrak est un fruit de la coopération turco-guinéenne. Et cette nouvelle crise dans les transports intervient alors que Alpha Condé vient de séjourner en Turquie, chez son homologue et ami Recep Tayyip Erdoğan.

Baïlo Diallo