Deux jours après le putsch perpétré par le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya et les forces spéciales, les réactions se multiplient au sein de la classe politique. Aliou Bah, le président du parti Model, n’attendait pas une issue honorable pour le Président Alpha Condé qui a changé la Constitution pour se maintenir au pouvoir.
Pour lui, cette situation était prévisible dès lors qu’Alpha s’est inscrit dans une logique de confiscation du pouvoir et de refus de toutes les alertes. «Aujourd’hui, il est capable de méditer et de se rendre compte que nous autres qu’il combattait c’est nous qui étions ses véritables amis. C’est nous qui lui avions dit la vérité. Malgré tout ce qu’on a subi on n’a jamais attenté à sa dignité et à son honneur avec tout ce qu’il a fait au peuple de Guinée. Il se trouve qu’aujourd’hui les choses se sont passées comme elles se sont passées. Malheureusement pour lui, mais je dirai qu’il a choisi son destin, parce qu’il a réuni les conditions pour que cela soit ainsi», explique Aliou Bah. Selon lui, ce coup de force qu’a subi le pouvoir du Président Alpha, le 5 septembre à Conakry, vient parachever un travail qu’eux (opposants) ont engagé contre ce régime : «Ce combat, nous l’avons tous mené. Chacun de nous a joué son rôle parce que nous aimons ce pays, nous voulons vivre dans ce pays et nous voulons son développement. Chacun a fait parler sa fibre patriotique au risque de nos vies, on pense à tous ceux qui ont été tués. On pense à tous ceux qui sont en prison et à toutes les victimes qui ne sont pas là mais la meilleure manière de les honorer, c’est de continuer de se battre pour que la Guinée soit enfin un Etat démocratique».
Il estime que les Guinéens auraient pensé que l’exemplarité dont le Président Alpha Condé allait faire preuve, allait nous permettre de nous inscrire sur une trajectoire durable de la démocratie. «A partir du moment où la constitution de 2010 remplacée, il a méprisé le principe de l’alternance. Et on ne peut pas étouffer un peuple ! On peut penser le faire, mais c’est comme une sorte de marmite enfermée avec cadenas sous laquelle vous continuez à activer le feu. Un jour ou l’autre, ça va vous exploser au visage. C’est naturel ! Mais, avec son âge il aurait eu cette sagesse de comprendre. Malheureusement la boulimie du pouvoir lui a rendu aveugle et entouré des troubadours», déplore Aliou Bah. Par ailleurs, il se réjoui que le Président déchu soit sain et sauf, mais pour lui un président ne devrait pas quitter le pouvoir de cette façon. « Dieu merci qu’il soit vivant, il est capable de méditer. Dieu ne fait rien au hasard. Peut être en cinq minutes il a fait le fil de son histoire, si c’était à refaire seul lui et Dieu savent aujourd’hui ce qui se passe dans sa tête. C’est triste ! Mais c’est son choix, il a décidé ainsi et il a voulu ainsi. Vous ne pouvez pas prendre le chemin de Coyah et vous retrouvez à Kaloum. Ce n’est pas possible ! On a vu les honneurs dont a bénéficié Mahamadou Issoufou du Niger. Aujourd’hui, il a des honneurs et le respect. Tous ces gens l’ont averti, il leur a tourné le dos, il y a certaines personnes qui ont dit à « Alpha l’héritage immatériels que tu as est plus important que le pouvoir auquel que tu veux t’accrocher. Qu’est-ce que tu gagnes à ton âge à t’accrocher encore au pouvoir.» Malheureusement, il s’est embourbé et s’est entouré des gens qui lui ont miroité des choses et aujourd’hui la réalité le rattrape. C’est triste, qu’on voit ses images parce que la présidence est une institution, nous sommes une société africaine, nous tenons à nos valeurs, nous pensons qu’au-delà de tout chef ou un aîné c’est tout un symbole mais malheureusement si vous faites le choix de sortir par la petite porte, on ne peut pas pleurer pour vous».
Avons-nous un putsch salutaire ?
Selon le prési du parti Model, on peut traiter ce putsch de salutaire pour deux raisons : «La première est que nous avions dévié de la trajectoire que nous avions choisie qui pouvait nous conduire à bon port à partir de 2010. Dès lors qu’on a eu pour la première fois dans l’histoire politique de notre pays une constitution qui garantissait certains acquis démocratiques. Il appartenait à Alpha de les consolider par le maintien de la trajectoire de la passation de pouvoir entre un président sortant et celui entrant. Ceci n’a pas été le cas». Pour Aliou Bah, si l’objectif de ceux qui sont arrivés au pouvoir c’est de ramener la Guinée sur la même trajectoire, ça serait salutaire et il faut qu’on y travaille, car le peuple de Guinée s’est battu.»
Pour finir, Aliou Bah appelle à encadrer le processus pour éviter les mêmes erreurs du passé. « Ensuite, le fait que la communication aujourd‘hui est ouverte, les gens ont accès à l’information, c’est que les esprits commencent à évoluer. Donc ça voudrait dire que ce que le colonel Doumbouya et son équipe doivent faire, c’est d’être vigilants. Vigilants par rapport aux vendeurs d’illusions, vigilants par rapport à ceux qui veulent se recycler, vigilants parce qu’il y a des hommes qui sont tapis dans l’ombre qui sont spécialiste en reconversion, qui risquent de les faire dérouter. Ce peuple-là, il restera déterminé. Si vous décidez de freiner ce processus-là, le peuple va se lever contre vous. C’est pourquoi c’est maintenant qu’il faut déjà être très ferme. C’est bien d’être inclusive, c’est bien d’être ouvert mais on ne peut pas être ouvert à tout le monde et à n’importe quel prix» ajoute-t-il.
En plus d’être ferme, Aliou Bah exhorte le colonel-lieutenant Mamady Doumbouya, d’engager un processus en organisant les élections transparentes, inclusives et intègres afin que les Guinéens choisissent leur président».
Kadiatou Diallo