Les Guinéens sont en train de tourner la page Alpha Condé. Dès sa prise du pouvoir le 5 septembre, le colonel Mamady Doumbouya a instruit le ministère de la Justice de faire libérer tous les détenus civils et militaires emprisonnés, à cause de leur opposition au 3e mandat d’Alpha Condé ou de leurs opinions. Le ministère de la Justice, en collaboration avec le collectif des avocats de ces détenus ont réussi à faire libérer 79 personnes le 7 septembre. Leur incarcération était liée, dit-on, au dossier Ousmane Gaoual Diallo, Ibrahima Chérif Bah, Abdoulaye Bah et compagnie, mais aussi à l’incendie du train minéralier à Sonfonia-rails au lendemain de la présidentielle du 18 octobre 2020. Ces ex-détenus savourent aujourd’hui leur libération auprès des leurs.

Mais tous les prisonniers politiques n’ont pas connu la même fortune. Bien d’entre eux n’ont pas encore eu la chance de sortir de prison. Il reste encore à la Maison centrale au moins 16 personnes, interpellées en mars 2020, suite au référendum et aux législatives controversés.  Ont-ils été omis lors de l’établissement de la première liste ? Non, selon Me Thierno Souleymane Baldé : «C’est un dossier différent. Ils ont été arrêtés individuellement au mois de mars 2020. Nous avons établi la liste, le Secrétaire général du ministère va la présenter au colonel Doumbouya, pour autorisation et ils vont les faire libérer…»

Pour ce qui est des militaires interpellés sous Alpha Condé, le dossier traîne. Il se murmure que le Procureur militaire refuse de hâter le pas et voudrait même faire la peau à certains militaires, en les obligeant à aller à un  procès : «Il ne peut pas aller à l’encontre du communiqué du CNRD. Tous ces détenus sont en prison parce qu’ils étaient opposés au régime, ces militaires sont vénus parachever le combat. Il ne peut pas les condamner, s’il les condamne, il condamne la junte elle-même. Il voulait régler des comptes à certains militaires. Il avait une dent noire contre eux et a omis volontairement leurs noms. Mais il ne peut même pas les inculper », explique un autre avocat de ces militaires.

Maitre Thierno Souleymane Baldé, lui, relativise : « Il a un rôle à jouer, mais il ne peut pas bloquer leur libération. Il y a beaucoup de gens qui ont été arrêtés qui n’ont même pas été présentés à un juge. Ils sont dans les centres de détention, mais ils n’ont fait l’objet d’aucune procédure judiciaire. Ils sont éparpillés entre Conakry et Kankan sans qu’ils n’en sachent la cause ».

Il y a également le cas Aboubacar Sidiki Diakité alias Toumba. Officiellement, il n’est pas incarcéré pour des questions politiques. Il est en prison dans le cadre du massacre du 28 septembre 2009, mais son avocat ne doute pas de la libération de son client : « Pour une question d’équité dans son affaire, il est pratiquement le seul à être en prison, tout le monde est dehors, il est malade, ils vont examiner son cas. Son arrestation résulte d’un évènement politique, donc on a rassemblé tout, nous attendons que le procureur militaire fasse le point avec le collectif des avocats, pour que la liste soit déposée aujourd’hui (14 septembre Ndlr) ».

Yacine Diallo