Le procès entre le Dr Faya Millimouno et ses ex-collaborateurs a repris ce 22 septembre au tribunal de première instance de Dixinn. Le prési du Bloc libéral accuse Thierno Boubacar Baldé, ancien prési du conseil national de la jeunesse du parti, Halimatou Baldé, Mamadou Maz Bah, Mamadou Oury Diallo, Boubacar Pita Bah et Ibrahima Sory Sow, membres de ce conseil, de « diffamation ». Des faits prévus et punis par les articles 98, 108 et 110 de la loi L/002 portant sur la liberté de la presse.
L’audience de ce mercredi 22 septembre a été consacrée aux plaidoiries et réquisitions. Maître Faya Gabriel Kamano, avocat de docteur Faya, a d’entrée, indiqué que les prévenus ont tenu une conférence de presse lors de la laquelle les propos incriminés auraient été tenus, «dans le seul but de s’attaquer à un homme. Halimatou et Thierno Boubacar Baldé avaient même démissionné du parti. Ils ont déclaré qu’il y a eu détournement de 60 mille francs guinéens. Ils disent ici que le parti est géré par clanisme, par l’ethno-stratégie, alors qu’il n’y a que deux kissiens sur 25 membres du bureau exécutif du BL. Ils ont taxé Faya de dictateur, c’est de la diffamation, à la limite de l’injure. Ce sont des fausses accusations, des affabulations. »
Maître Faya n’est cependant pas d’accord que le juge Aboubacar Maféring Camara prenne sa décision sur la base de la L002 portant liberté de la presse en Guinée, du moins en ce qui concerne Thierno Boubacar Baldé : «Celui-ci avait commencé à faire ces accusations graves contre la personne de Dr Faya bien avant la conférence de presse. Il les a mentionnées dans sa lettre de démission. Ces accusations tombent sous le coup du Code pénal. Il vous appartient, monsieur le président, de tirer les conséquences du droit ». Me Kamano demande au tribunal de rétablir le prési du BL dans ses droits : «Le seul besoin de Dr Faya, c’est d’être rétabli dans ses droits. Il ne réclame qu’un franc symbolique. Mais condamnez-les à aller se démentir par conférence de presse, sous astreinte d’un paiement d’un million de francs guinéens par personne en cas de retard.»
Le pro-crieur Daye Camara a presque abondé dans le même sens : «Aucun des prévenus ne va accepter que quelqu’un d’autre le traite de dictateur. Quand vous dites à un libéral qu’il est dictateur, c’est de la diffamation ». Il demande au tribunal de retenir les accusés dans les liens de la prévention. Pour la répression, le pro-crieur Camara souhaite l’application de «l’article 110 en son dernier alinéa qui stipule que la diffamation commise envers les particuliers par l’un des moyens énoncés à l’article 98 est punie d’une amende de 500 000 à 2 000 000 de francs guinéens. Condamnez-les à une amende d’un million de francs guinéens, chacun. Ils doivent aussi faire une autre conférence pour que la partie civile, dont l’honneur a été souillé, soit rétablie.»
Les prises de parole du mystère public et du représentant de la partie civile ont fait sortir l’avocat de la défense de ses gonds. Maitre Abdoul Thiam s’est attelé à démontrer que les hostilités ont plutôt été lancées par Docteur Faya et son camp : «Je ne m’attendais pas à ce que le ministère public qui poursuit à charge et à décharge puisse prononcer une telle réquisition… Mes clients n’ont dénoncé que des dysfonctionnements, on veut vous faire croire que la conférence a été organisée pour diffamer quelqu’un. Docteur Faya a été le premier à faire des déclarations dans la presse. C’est lui qui a dit «Je ne savais pas qu’il y avait un clan tribal au sein du BL. Mais on est en train de procéder à une épuration». Ce que mes clients ont dénoncé existait déjà… Pourquoi on veut obliger mes clients à admettre ce qu’ils n’ont jamais dit ? Il n’a pas été question de salir le nom de Dr Faya. Nous l’avons fait, pour que le parti aille de l’avant. Il n’a pas été victime de diffamation. Ils ont été poussés à s’exprimer, parce que le président du parti avait engagé les hostilités. Il fallait qu’ils répondent. La partie civile veut seulement se victimiser, sinon, il n’y a rien. » Selon lui, Faya Millimouno cherche, à travers ses clients, à dissuader les éventuels contestataires : «Il sait pertinemment qu’il a perdu des gens de conviction. A travers ces jeunes, il cherche à étouffer les contestations, à envoyer un message à ceux qui pourraient imiter mes clients. » Me Thiam demande au juge de renvoyer ses clients des fins de la poursuite : «Dès lors que vous constaterez que les propos de mes clients ne constituent pas une diffamation, prononcez une relaxe pure et simple. Le cas contraire, vous aurez condamné des innocents. Ne faites pas cela, pour ne pas être en contradiction avec votre conscience.»
Le juge a renvoyé l’affaire au 6 octobre prochain, pour le délibéré.
Yacine Diallo