Comme près de 79 autres détenus politiques, Abdoulaye Bah, ancien président de la délégation spéciale de Kindia et militant de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), a été libéré par les putschistes qui sont à la tête du pays depuis le 5 septembre. A l’image de nombreux Guinéens, il semble favorable à ce coup d’État contre Alpha Condé. Selon lui, il a appris le départ de M Alpha Condé avec un grand soulagement. «Un coup de salut, un coup d’Etat patriotique et légitime. Les Guinéens étaient fatigués, ils se regardaient en chiens de faïence, les Guinéens ne travaillaient plus, ils étaient tous en prison. Derrière les barreaux nous qui étions victimes de notre positionnement politique légal, dans un pays qui autorise le multipartisme légal et vous qui étiez à l’extérieur qui n’osez pas vous exprimez. Le doyen Amadou Djouldé, a fait les frais pour être l’échantillon des médias à être châtiés. Si vous dépassez les bornes qu’Alpha Condé a fixées dans son combat. C’était de la dictature pure et dure, de la tyrannie et nous avons été soulagés nous qui étions injustement arrêtés, arbitrairement mis au cachot de voir M Alpha Condé partir mais également de voir d’autres venir pour nous faire libérer. Sincèrement, on ne peut pas espérer mieux», se réjouit-il.
En prison, M Bah explique comment il a eu vent de la nouvelle. «En prison, j’ai prié, aucune nuit ne peut passer sans que je ne me lève pour invoquer mon Dieu. 2h du matin je me lève, je fais mes prières (nafila) et également mes wirdous. Je fais ma première prière de l’aube 5h 35mn, j’écoute RFI à 6h et je me couche à 7h. Et ce sont les crépitements des balles qui me réveillent à 8h 15. Je pensais même rêver ! Effectivement, derrière la prison ce sont les crépitements des balles. On a compris qu’il y a quelque chose qui n’allait pas. On était 16 dans notre cellule, chacun tentait de faire des commentaires mais on n’a aucune source d’informations parce qu’on est en prison. On a attendu vers 11h30, (la radio est quand même accessible en prison), nous avons entendu qu’effectivement M Alpha Condé, a été démis de ses fonctions», raconte-t-il dans l’émission Mirador sur FIM FM, le mardi 14 septembre.
Du sommet du triomphe, aux abîmes de l’enfer, l’opposant affirme que le cas Alpha Condé, devrait donner une leçon de conduite à tous ceux qui aspirent à occuper une parcelle d’autorité publique dans le pays. Car, dit-il, «on ne peut pas transformer l’espace public qui est au service de la population en espace privé, c’est criminel et la science politique ne l’autorise pas non plus. Cela ramène à la vulnérabilité du pouvoir politique, illégal et illégitime, ça peut s’écrouler en un laps de temps. L’histoire est pleine d’exemples et malheureusement pour Alpha Condé, qui aurait pourtant fait sciences politiques, qui aurait fait droit à l’université de la Sorbonne, qui a vécu à Paris, la plus grande capitale politique et culturelle du monde, de n’avoir pas compris cela et c’est très dommage» déplore-t-il.
Quel sort réserver à Alpha Condé ?
« Lorsque des citoyens en qui le peuple a porté confiance et que Dieu a assistés trahissent la confiance populaire et mettent en place un régime autre que celui par lequel ils sont passés pour arriver aux affaires, il y a des conséquences au nombre de trois. Premièrement, les crimes de sang, les crimes humains. Ces régimes tuent, le sang humain coule parce que c’est la violence inouïe qui est lancée dans ce pays. Deuxièmement, les crimes économiques Combien de millions et de milliards de dollars ont été dilapidés dans ce pays. Et troisièmement, les crimes politiques. Le régime fondé sur la constitution, donc démocratique parce que les partis politiques sont légalement constitués et se lancent à la conquête du pouvoir en toute liberté sans contrainte. Lorsque ce système a été écarté au profit d’un autre système, il y a sabotage. Alpha Condé a écarté la démocratie au point qu’il a nommé après le 22 mars les députés que j’appelle des »députés » qui sont coupables de haute trahison. Alpha Condé a saboté le régime démocratique qui est un régime de paix, un régime de gouvernance destiné à changer nos vies. Les conséquences, lorsque l’élite militaire patriote constate qu’il y a dérive de la part de l’élite politique civile, elle prend sa responsabilité devant les hommes mais aussi Dieu. Les conséquences sont judiciaires, lorsqu’il y a infraction, lorsqu’il y a crime, il y a un code de procédure judiciaire. Mais dans ce cas si, en général ou en Argentine, on met en place des juridictions spéciales composées des magistrats croyants de grande qualité au pouvoir pour juger les commanditaires et exécutants de ces 3 types de crimes pour que l’histoire ne se répète plus. »
La CEDEAO et l’UA ont trahi l’esprit de leur principe ?
Pour sa part, Abdoulaye Bah, dit avoir pardonné au président déchu et tous ceux qui l’ont aidé à le mettre en prison, car c’est l’ignorance qui les a poussés à le garder 10 mois à la maison centrale. «Des personnes ont perdu la vie. Quatre parmi nous sont morts en prison. Nous autres avons eu de la chance de quitter la prison. La CEDEAO et l’Union Africaine nous mettent mal à l’aise parce que nous connaissons réellement les chartes qui soutiennent leur création. La communauté a un destin commun et il est interdit dans les chartes de la CEDEAO de s’éterniser au pouvoir, de modifier les constitutions en vue de briguer un troisième… un cinquième mandat ou un mandat à vie. Ils étaient où pendant qu’on violait nos femmes à wanindara, pendant qu’on n’abimait les corps de nos frères à Wanindara où à Soronkoni, à Coyah, à Nzérékoré. Ils étaient où lorsqu’on tirait à bout portant sur des enfants dans la fleur de l’âge sur tout au long de l’axe. Elle était où cette communauté de destin, lorsque des fidèles musulmans ont été dispersés alors qu’ils priaient sur des cadavres ; ils ont été pourchassés et gagés même dans le cimetière. Même en tant de guerre, les mosquées, les hôpitaux, les ambulances et les cimetières sont épargnés. Elles étaient où lorsqu’on arrêtait les médias et les politiciens. Ils ont trahi l’esprit qui a sous-entendu la création de cette communauté. Ceux qui sont à la tête de cette institution aujourd’hui l’ont infiltré. Donc ils ne sont pas crédibles aux yeux des Guinéens. CEDEAO, Union Africaine nous n’avons aucune leçon à recevoir de vous», conclut-il.
Kadiatou Diallo