C’est avec un cœur plein d’espoir que je vous adresse, M. le Président du CNRD, mes sincères félicitations. Je vous félicite, vous et vos illustres collègues du CNRD, d’avoir sauvé notre pays alors que sa population était dans une situation sans espoir. Je ne saurai vous faire assez d’éloges, reste à se rassurer que l’histoire retienne votre acte courageux et patriotique.
Votre message au lendemain de l’arrestation de l’ancien président, le Professeur Alpha Condé, qui appelait tous les filles et fils du pays, qu’ils soient à l’intérieur comme à l’extérieur de notre cher pays, à vous accompagner sur votre initiative à construire notre pays pour le bien de tout le peuple, m’a largement interpellé. J’ai pensé à réunir mes idées dans ce message et prier qu’il vous parvienne dans de parfaites conditions. Je tiens à souligner avant tout, que mon message ne se veut en aucun cas, scientifique, historique ou socio-culturel. Par-là, je veux juste dire que je ne prétends en aucune manière vous instruire ou vous donner des leçons. Seul votre appel sincère m’a inspiré à mûrir ma réflexion et vous parvenir mes petites idées. Je souhaite de tout mon cœur, qu’à l’issue de cette transition, votre nom et ceux des équipes qui vous accompagneront, soient étudiés dans nos anales et pour beaucoup de siècles à venir, comme étant les pères fondateurs de la nation guinéenne.
Une femme demandait à Benjamin Franklin, « Monsieur, qu’est-ce que vous nous donnez, à la fin de vos longues sessions de travail ? » Benjamin Franklin lui répondit : « Une république, Madame, si vous pouvez la garder ». A entendre cette conversation, j’ai estimé qu’il est impératif de profondément repenser sur ce que nous voulons de la Guinée. Votre initiative qui porte à consulter chaque couche sociale est une belle première étape, et nous estimons que dans ces consultations, vous demanderez à chacun ce qu’il pense, et en une seule phrase, du problème de la Guinée. Ceci vous permettra à bien mûrir votre vision du pays et d’apporter les meilleures actions. Car la Guinée que vous donnerez demain à la nation, définira et pour plusieurs années encore, l’orientation politique, l’administration publique, l’Independence des pouvoirs, la responsabilité de chacun vis-à-vis de la chose publique, et ainsi de suite. Maintenant, en ce qui me concerne, pour répondre à la question de savoir «quel est le plus grand problème de notre pays », je vous dirai que c’est le déséquilibre entre les pouvoirs constitutionnels. Et ce n’est pas simple de comprendre cela, car notre constitution et notre société sont les plus grands contributeurs.
D’abord, nos gouvernements n’ont de ressemblance qu’à l’orographie, car le peu de partis politiques qui se sont succédé au pouvoir, se sont vite transformés en clans de petits dieux et de prophètes, considérant le patrimoine commun à des biens personnels et on connaît la suite : mépris total du bas peuple, achat de conscience de l’armée, répression à sang de la population. Les pouvoirs législatifs et judicaires n’existent chez nous que pour le puissant président du pouvoir exécutif, alors que les constitutions confèrent à chacun de nos trois pouvoirs constitutionnels, leur force politique. Fort malheureusement, ces constitutions ne sont pas à l’image de notre société, nos valeurs et cultures, mais plutôt le dicktat de l’extérieur.
Tout au long de ma réflexion, c’est cet aspect de « constitution » que j’ai pointé du doigt. Notre constitution, même les Présidents de la république qui se sont succédé ou les leaders des partis politiques ne la maitrisent pas dans sa totalité, ou au moins ne connaissent pas cœur le nombre d’articles qu’elle contient. Nous disons bien sûr, même nos présidents, à plus forte raison les juges ou députés, sans parler du peuple, d’où le mépris total de son contenu. Le peuple ne peut défendre ou réclamer que ce qu’il connaît et comprend. C’est pour cela que nous peinons à décoller économiquement et que la conversion d’un citoyen lambda en leader politique est trop facile en Guinée. Si pour être leader politique dans notre pays et porter le mérite de parler au nom du peuple ne requiert que d’être ancien ministre dans un gouvernement ou d’avoir comme patrons des leaders occidentaux, ce pays ne se dotera jamais d’institutions solides capables de garantir les libertés individuelles et le bien-être social. Parce que ces deux catégories de leaders et bien d’autres ne sont que des businessmen. Ils ne savent que détourner les ressources du pays et acheter des consciences.
Ensuite, ce que j’ai connu du multipartisme ne reflète pas la composition ethnique et sociale de notre pays. D’ailleurs, cette liberté de se constituer en parti politique pour participer au débat national ne se trouve aussi presqu’en Afrique, nous l’appelons «du libertinage ». Avec cette diversité ethnique, l’idéal serait d’institutionnaliser seulement deux ou trois blocs politiques avec de grands idéaux et feuilles de route, et laisser le choix à chaque guinéen qui aspire à faire de la politique, à rejoindre un parti et mener son combat politique au sein de ce bloc, ceci amènera la population à savoir coopérer sur les questions nationales, car avant tout, la politique est l’art de coopérer. Et nos cadres allaient bien étudier et travailler dur pour mériter toute confiance. Mais si chaque parti aussi grand qu’il soit, ne regorge qu’un seul leader, ce parti ne va jamais encourager la culture de l’excellence, il va plutôt encourager le culte du personnage qui amène le leader à se croire un prophète. Dès que le leader tombe, le parti cesse d’exister, cela a toujours a été le cas (PDG, PUP, etc). Et les conflits ne seront plus des conflits d’idées mais des conflits communautaires et ethniques, une grande menace de notre paix.
Enfin, c’est est l’occasion pour nous de revoir notre approche de « démocratie ». Les partenaires internationaux nous ont fait croire que la démocratie ne se limite qu’à l’organisation des élections. Une fois ils ont leur élément à la présidence, ils n’y manqueront jamais à venir nous vendre des chiffres de croissance économique qui ne se reflète guère sur le panier de la ménagère. La Guinée, nous l’appelons « République de Guinée », il est difficile de le dire, mais elle n’a jamais été une république dans sa plus petite définition. Et il faut bien mettre cette transition à profit pour éviter de revenir à la case de départ, ça sera un espoir perdu de beaucoup de générations. De même que vous aviez eu le courage de consulter tout le monde, il faut que nous ouvrions tous les yeux cette fois-ci et savoir qu’aider la Guinée ne doit pas commencer ou se limiter par l’organisation d’une élection, mais une refondation totale au moins de notre Etat ; il faut lui doter « Une République » dont le pouvoir sera toujours tenu par le peuple, et que ce soit lui qui choisit ses représentants, non l’extérieur ou l’influence de l’armée.
Dans cette république, l’Etat sera considéré comme une affaire publique pas une chose privée des dirigeants. Dans cette république, les pouvoirs seront constitutionnels, équilibrés et indépendants. Dans cette république, chaque pouvoir constituera un frein et contrepoids envers les abus des autres pouvoirs, et selon la constitution. Dans cette république, le peuple sera censé de connaitre sa constitution, et elle sera interprétée dans chaque action du gouvernement. Dans cette république, les élus auront la responsabilité et l’obligation de rendre compte sans orgueil mais avec humilité et respect au peuple. Nous vous prions, Monsieur le Président, de mettre de côté « la démocratie », et soyez ce grand leader que le pays a tant besoin depuis des décennies, dotez-lui cette fondation qui garanti l’indépendance des pouvoirs, la culture de l’excellence, l’humilité de nos futurs dirigeants, qui inspirera le peuple et les générations à venir, à travailler pour le pays pour de l’honneur, mais pas pour devenir millionnaire.
Cette refondation ne sera pas facile certes, car le chemin qui nous garantira un bonheur durable est parfois difficile à emprunter, mais elle est possible. Elle est possible en continuant à consulter chaque couche sociale, et mettre en place des assises en tant qu’états généraux de la nation, pour travailler sur des grands thématiques, tel que la constitution, les pouvoirs, les institutions, un organe électoral, le multipartisme, les démembrements de l’Etat, les libertés individuelles. Il sera l’occasion de tout prévoir dans ses assises, et il y aura bien sûr beaucoup d’écrits, des brouillons, des débats houleux et des va-et-vient. Mais à cette échéance, vous nous donnerez une république, et nous saurons la sauvegarder.
Mamadou Bobo Diallo
Etudiant aux Etats-Unis