La sous-préfecture de Kounsitel fait l’objet de convoitise depuis la découverte de l’or dans la localité. Les orpailleurs campent sur les lieux, malgré l’interdiction de l’exploitation de l’or par le gouvernement. Mohamed Keita, trésorier du Bureau des orpailleurs de Diatiféré Dinguiraye, en explique les raisons.
La Lance : Qu’est-ce qui motive votre présence à Kounsitel ?
Mohamed Keita : Je suis là pour exploiter de l’or, étant orpailleur, trésorier du Bureau des orpailleurs de Diatiféré. J’ai appris qu’on a découvert de l’or à Kounsitel. Je suis venu à la recherche de l’or. A notre arrivée au début, on nous a demandé de prendre des billets pour avoir accès aux sites. Nous avons acheté trois billets à un million de francs l’unité. Dès que nous avons commencé à travailler, le gouvernement a interdit l’exploitation de l’or. Depuis ce jour, le travail ne marche pas bien. Les populations ne veulent pas qu’on exploite, le gouvernement aussi. Nous ne savons pas pourquoi.
On nous a dit que ce dernier a ordonné d’arrêter l’exploitation. Les jeunes de la localité se sont organisés pour protéger les sites. Actuellement, nous sommes à ce niveau. Certains orpailleurs sont allés voir les forces de défense et de sécurité pour des négociations. Les jeunes se sont opposés en s’attaquant aux orpailleurs. Beaucoup ont été blessés. C’est en ce moment que des rumeurs ont couru qu’il y a eu un mort. En réactions, certains orpailleurs sont allés casser la maison du directeur sous-préfectorale de la jeunesse et la maison des jeunes de Kounsitel. Si le gouvernement avait laissé les gens exploiter, cela aurait donné du travail à la jeunesse guinéenne. De nombreux jeunes empruntent le chemin risqué de l’immigration clandestine, pour aller mourir dans le désert ou en mer. Si on découvre la richesse en Guinée, le gouvernement devait nous laisser profiter. Il y a de nombreux diplômés sans emploi, beaucoup d’autres ont des métiers sans travail. L’exploitation de l’or allait atténuer le chômage.
Qu’est-ce qui vous oppose aux populations locales ?
Les populations tiennent coûte que coûte au respect de l’interdiction de l’exploitation de l’or. Elles disent aussi avoir appris que les forces de sécurité font des arrangements. Mais ce ne sont que des rumeurs. Les jeunes se sont organisés pour surveiller les sites. Actuellement, nous sommes tous assis, nous ne travaillons pas. Beaucoup d’orpailleurs sont partis, les jeunes ont détruit les matériels de certains d’entre nous, saisi d’autres. C’est dans de telles circonstances qu’on nous demande de partir. On ne peut pas quitter alors que nos matériels qui coûtent entre 80 à 100 millions de francs sont saisis. On ne peut pas aller et les laisser ici. C’est ce qui fait que beaucoup d’orpailleurs disent qu’ils ne partiront pas.
La saisie de votre matériel est-elle la raison qui vous maintient à Kounsitel ?
Non. Certains disent qu’ils attendront jusqu’à ce que l’exploitation soit autorisée. Il y a de la richesse, nous sommes tous-là à la recherche du bien-être. D’autres par contre vont rentrer dès qu’ils recevront leurs matériels. Il y en a aussi qui vont continuer l’exploitation clandestine.
Existe-t-il une complicité entre orpailleurs et forces de défense et de sécurité ?
Non ! Mon équipe et moi, depuis que le gouvernement a interdit l’exploitation de l’or, ne sommes pas allés sur les sites. Nous étions plus de 100 personnes. Actuellement, il en reste moins de dix. Nous avons renvoyé beaucoup.
Pourquoi les orpailleurs ont-ils cassé la maison du président de la jeunesse de Kounsitel ?
Il a été dit aux jeunes de Kounsitel d’aller en brousse pour s’assurer que l’interdiction de l’exploitation de l’or est effective. Mais certains jeunes attaquent les orpailleurs dans la rue, sur leurs motos. Ils les frappent avec des gourdins. S’ils le faisaient en brousse, d’accord. Mais ils agressent les orpailleurs en pleine circulation. Ils mettent des bâtons dans les roues des motos, certains tombent. Au total, il y a eu 13 personnes blessées.
C’est ainsi que la rumeur s’est rependue qu’une personne a été tuée. Les orpailleurs se sont révoltés pour aller casser la maison du président de la jeunesse. Personnellement, j’étais à la maison en train de garder les machines qui coûtent extrêmement chers. Celles qui sont à mon compte sont entre sept et huit. Parmi nous les orpailleurs, il y a toutes les ethnies : Peulhs, Malinkés, Soussous et Forestiers. Nous sommes tous des Guinéens et nous sommes venus à la recherche de l’or. Les sages de Kounsitel ont sensibilisé leurs jeunes et nous aussi nos responsables qui sont là nous ont demandé de nous calmer. Nous devons tous préserver la paix, nous ne devons pas nous faire la guerre.
Jusqu’à quand comptez-vous rester à Kounsitel ?
Si ça ne tenait qu’à nous, le gouvernement allait organiser et autoriser l’exploitation. Nous sommes-là, nous attendons. Nous ne travaillons pas actuellement, mais on nous envoie à manger. A Diatiféré, il y a une mine d’or. Nous vivons grâce à l’argent que nos parents gagnent là-bas. Nous comptons rester ici jusqu’à ce que le gouvernement autorise l’exploitation de l’or.
Interview réalisée par Ibn Adama