Dimanche, 5 septembre 2021. Coup d’Etat en Guinée renversant le pouvoir du Pr Alpha Condé. Discours du Président du Comité National pour le Rassemblement et le Développement, le Lieutenant-colonel Mamady Doumbouya indiquant l’ère d’un air nouveau. Sommes-nous entrés dans une phase de transition démocratique ? Si la réponse est affirmative, que faut-il faire pour une transition démocratique consensuelle et réussie ? Un modeste regard d’universitaire nous permettra d’y répondre.
La Guinée est-elle entrée dans une phase de transition démocratique depuis le Coup d’Etat du 05 septembre 2021 ?
D’emblée, il convient de cerner le concept de « Transitions démocratiques ». Pour Huntington, la transition démocratique « comporte la mise à terme du régime non démocratique, l’instauration du régime démocratique et la consolidation du nouveau régime » (Samuel Hungtinton, Troisième vague, 1996). Le Pr Théodore Holo définit le concept comme « une période au cours de laquelle un pays change ses structures politiques et passe d’un régime autoritaire vers un régime démocratique » (Theodore Holo, Séminaire de DEA Transitions démocratiques, Université d’Abomey-Calavi, 2001).
Pour moi, « les transitions démocratiques désignent le passage d’un régime autoritaire méconnaissant les droits de l’homme à un régime démocratique, un régime protecteur des droits de la personne (Thierno Souleymane Barry, Transitions démocratiques et droits de l’homme en Afrique de l’ouest : cas du Benin, la Guinée, le Togo et le Mali, Mémoire de DEA, Université d’Abomey-Calavi, 2001). Le passif du régime précédent en termes des droits humains, le Coup d’Etat intervenu et les orientations des nouvelles autorités tendant à la libération des détenus politiques et à la restauration du processus démocratique permettent de répondre par l’affirmative à la question que dessus. La Guinée est entrée dans une période de transition démocratique.
Quels ingrédients indispensables faudrait-il réunir pour réussir une transition démocratique en Guinée ?
Un processus démocratique ne peut aboutir avec succès que lorsque la période de transition démocratique qui le précède est bien définie. Les éléments indispensables à réunir pour obtenir un tel processus sont les suivants. Il urge d’engager de consultations nationales, ouvertes à toutes les sensibilités socio-politiques de l’intérieur comme de l’extérieur de la Guinée en vue d’aboutir à un consensus sur deux points : l’encadrement de la période transitoire et l’adoption d’un projet de société. Un tel consensus obtenu doit être enchâssé dans une Charte de la transition. Cette Charte doit minimalement contenir l’exposé des principes démocratiques et le respect des droits humains, les organes de la transition et l’interaction entre eux, la durée de la transition et le calendrier de mise en place des nouvelles institutions républicaines par voie d’élections sincères, libres et transparentes. Un gouvernement de large consensus et à composition restreinte formé de technocrates civils et militaires, chargé de gérer les affaires courantes (les programmes sociaux de base, santé, éducation,…), les domaines régaliens (justice, sécurité, affaires étrangères,…), le pool économique et les reformes institutionnelles et constitutionnelles, est de mise. La rédaction et l’adoption par voie référendaire d’une constitution avec l’affirmation du principe de limitation à deux du mandat du Président de la République, la confection d’un fichier électoral informatisé permanent et arrimé à l’état-civil et l’apurement du passif des droits humains de l’ancien régime par la poursuite des crimes de sang, entre autres, et l’amorce de la justice transitionnelle et la réconciliation nationale complètent l’attelage d’une transition réussie.
-Juris Guineensis No 13.
Conakry, le 9 septembre 2021
Dr Thierno Souleymane BARRY,
Docteur en droit, Université Laval/Université de Sherbrooke (Canada)
Professeur de droit, Consultant et Avocat à la Cour