Depuis le coup d’Etat du 5 septembre 2021 qui a renversé le président Alpha Condé, les Guinéens sont partagés entre espoir et incertitude. Alors que des consultations sont en cours entre le Comité National de Rassemblement et du Développement (CNRD) et les différentes composantes de la nation guinéenne, quel rôle la jeunesse peut-elle jouer pour une transition réussie?
Sur le plan politique, ce coup d’Etat militaire apparaît comme la conséquence directe de l’entêtement d’Alpha Condé à se maintenir coûte que coûte au pouvoir, en violation de la Constitution du 07 mai 2010 sur la base de laquelle il a été élu et a prêté serment par deux fois, plongeant ainsi le pays dans une crise politique profonde. Cette nouvelle situation offre aux Guinéens et en particulier à la jeunesse, l’espoir d’une fin de la mal gouvernance et de la pauvreté extrême qui mine le pays malgré ses richesses.
Confrontée à un chômage endémique, au sous-emploi ou encore au manque de ressources, la jeunesse qui représente la couche la plus importante du pays a été le fer de lance de la lutte pour l’instauration de la démocratie, l’Etat de droit et la bonne gouvernance dans l’espoir de voir sa situation changé. A ce titre, elle a payé un lourd tribut ces 20 dernières années, suite à la répression armée de ses aspirations, la violence, les arrestations et détentions arbitraires, le harcèlement judiciaire continu et des exactions de toutes sortes.
Placée sous le signe d’un nouvel espoir, la transition à venir doit être inclusive et permettre à la jeunesse de jouer pleinement son rôle afin d’éviter que les échecs du passé ne se reproduisent. A cet effet, les jeunes hommes et femmes de Guinée doivent prendre leurs responsabilités pour réclamer qu’on leur garantisse des espaces de dialogue afin qu’ils puissent porter leurs messages à l’ensemble des acteurs clés et participer pleinement au processus de transition.
Pour ma part, la mission principale d’une autorité de transition dans une démocratie ne consiste pas à élaborer et mettre en œuvre un programme de développement socio-économique mais plutôt à créer les conditions pour la restauration de l’autorité de l’Etat et organiser des élections générales pour permettre un retour rapide à un ordre normal. C’est à dire à un régime politique où ceux qui gèrent les affaires de l’État ont reçu leur mandat du peuple. C’est ça même l’essence de la démocratie. Comme le disait l’ancien président Américain, Abraham Lincoln, « La démocratie est le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». En d’autres termes, la souveraineté appartient au peuple, qui choisit ceux qui le gouvernent.
Sentinelle de la démocratie ayant déjà payé un lourd tribut, la jeunesse guinéenne doit veiller à ce que ce principe ne soit ni détourné ni galvaudé par la junte, ainsi que l’ensemble des acteurs qui seront en charge d’animer les différents organes de la transition. Pour cela, il lui appartient de s’organiser afin d’être activement et pleinement associée à tous les niveaux de la transition. Je m’adresse notamment à la jeunesse étudiante, des partis politiques, et de la société civile ayant le mérite de disposer d’un minimum de savoir et de savoir-faire.
Lors de cette transition, la jeunesse doit particulièrement :
Activement s’organiser et participer aux discussions politiques relatives à la transition, notamment à l’élaboration de la nouvelle Constitution qui va définir notre régime politique et tout ce qu’il implique et garantir nos droits et libertés.
Veiller à ce que les débats et discussions soient transparents, inclusifs et publics;
veiller au strict respect des engagements pris par la junte et l’ensemble des acteurs politiques dans le cadre de la transition ;
veiller à ce que la justice soit effectivement la boussole de la conduite des affaires de l’État conformément aux déclarations du Colonel Mamady Doumbouya;
veiller à ce que le discours politique soit axé strictement sur des projets de sociétés des partis politiques en compétition. Elle doit être très exigeant à ce niveau à l’endroit de l’ensemble des partis politiques en compétition.
Pour cela, la jeunesse doit être prête à s’engager, et en mesure de documenter et dénoncer tous les manquements de la junte et autres acteurs politiques et gouvernementaux.
Alseny SALL
Activiste de la société civile