Nous avons de l’or, nous avons du diamant, de la bauxite, du fer, de l’uranium… et probablement du pétrole et du gaz. Savez- vous que la ville de Conakry repose sur un double gisement de fer et de soufre ?
Mais il n’y a pas que les mines. La Guinée dispose de la plus grande variété végétale d’Afrique de l’Ouest. La forêt de Ziama à elle seule en compte 5 600 espèces. Il faut aller au Gabon ou au Congo pour trouver, mieux. Une seule denrée nous manque dans ce pays de Cocagne ; malheureusement, une denrée indispensable au bon fonctionnement des sociétés : la justice. Un pays sans justice, c’est encore plus fade, plus infect, plus écoeurant, plus atroce qu’une sauce sans huile et sans sel.
La Guinée s’est fâchée avec cette belle notion dès son Indépendance. Le régime criminel de Sékou Touré ne pouvait rien comprendre à ce genre de subtilité. Très vite, il supprima la fonction d’avocat et soumit les magistrats à ses propres ordres. Depuis, dans ce drôle de pays qui est le nôtre, on ne dit plus le droit au nom de la loi mais au nom du chef !
De Prague à Moscou, de Pyongyang à Pékin, les faux complots, les fausses accusations, les faux procès caractérisent plus que tout, les régimes staliniens. Mais celui du PDG alla encore plus loin dans la logique sans limite du mensonge et de l’arbitraire. Sékou Touré fut le seul président de la planète Terre à n’avoir jamais osé présenter (ne serait-ce que pour la forme) ses accusés devant un tribunal, et pour cause ! Il se contentait de recueillir leurs aveux sous la torture (les Guinéens savent bien ce que « cabine technique » veut dire !) et de les diffuser de nuit sur les ondes. Et la justice était faite ! Le comble, c’est que cette conception bestiale de l’équité n’a pas (ou alors, n’a que très peu) évolué depuis la mort du vampire. Le non-droit, la cruauté gratuite, les exactions de toutes sortes sont devenues, par la force des choses, des éléments constitutifs de notre culture nationale. Arrêter un Guinéen de nuit, par des hommes encagoulés, sans mandat, le ligoter, le bastonner puis le jeter dans une cellule infestée de chenilles et de rats (des années, sans jugement) est devenu aussi normal, aussi régulier que le coucher du soleil sur les Îles de Loos. Cela n’indigne pas les imams et les prêtres, cela n’effleure pas la mauvaise conscience des juristes, cela ne soulève pas la colère du peuple.
Les descendants des victimes du Camp Boiro n’ont plus que leurs yeux pour pleurer si jamais il leur reste encore des larmes. Ils savent que leur brûlant désir de justice ne sera jamais comblé. Ils n’auront même pas droit à un petit bout de mémoire en guise de lot de consolation puisque les barbares qui gouvernent ce pays ont effacé toute trace du Camp Boiro, tout souvenir du fameux pont des pendus.
Mais laissons de côté le sinistre Sékou Touré et ses milliers de victimes, laissons de côté Lansana Conté et les centaines de Guinéens que ses brutes ont fauché lors des émeutes populaires de 2 006-2 007. En attendant que sur ces deux dossiers, l’Histoire apporte son terrible verdict, intéressons-nous aux « massacres du 28 Septembre » et aux tueries que le tyran, Alpha Condé a sciemment perpétrées lors des manifestations de rue. Intéressons-nous aux millions de dollars que le défunt régime a subtilisés à notre peuple couvert de guenilles et crevant de faim.
Qui a tué ? Qui a volé ? Qui a violé ? Qu’a-t-on fait des cadavres disparus à l’Hôpital Ignace Deen ? Qu’a-t-on fait de l’argent du peuple ? Les Guinéens ont le droit de savoir.
Tierno Monénembo