Le 8 septembre 2021, le président de la Commission d’enquête sur les migrations de l’Assemblée nationale Française déclarait dans un communiqué de presse, que le coup d’Etat du 5 septembre 2021, qui a eu lieu en Guinée, met fin à l’aventure autoritaire d’Alpha Condé. Rajoutant que c’est probable que cela soit l’amorce d’un possible renouveau démocratique.
M. Sébastien Nadot, de qui il s’agit, remarquait aussi, que la condamnation du putsch par le Secrétaire général des Nations-Unies est mal venue ; il rajoute en posant la question de savoir : «Où était la communauté internationale, quand Alpha Condé bafouillait la Constitution de la Guinée, et le résultat des urnes, notamment aussi, quand les forces du régime réprimaient l’opposition ? » Ce député Français n’a fait que traduire l’opinion de la plupart de l’Assemblée Nationale Française. M. Sébastien Nadot rajoute que la communauté Internationale n’a aucune leçon à donner aux Guinéens. Cette réaction de l’Assemblée Nationale Française est à saluer dignement.
Malheureusement, les conclusions de la session extraordinaire des Chefs d’Etat de la CEDEAO, du 16 septembre 2021, sont plus que jamais décevantes. Elles traduisent l’irresponsabilité de ces dirigeants Africains qui n’ont rien fait lorsque les forces d’Alpha tuaient les militants de l’opposition, pire lorsqu’il changeait illégalement la constitution.
Dommage, pour ces dirigeants africains, qui, pour la plupart, ne sont pas plus propres qu’Alpha Condé.
Les exigences de la CEDEAO sont irréalistes. Comment, avec tout le mal qu’Alpha Condé a commis en Guinée, demander de le libérer banalement ? Quelle ineptie ! La CEDEAO se moque de la Guinée et des Guinéens.
Alpha Condé doit être jugé, parce que des morts, il y en a eus. Et ses fonds doivent être gelés, pour reconstruire la Guinée.
Le drame chez Alpha Condé, est qu’il a une obsession pour le pouvoir. C’est une maladie. Il croit qu’il est fait uniquement pour le pouvoir, il ne peut être que Président de la République. Il a usé de tous les moyens pour y parvenir. Et il a prouvé aussi, qu’il est capable de tout, pour le conserver. Libre, il n’hésitera pas encore à tenter l’impossible. Alpha Condé est plus dangereux libre, que président de la République. Le libérer sans jugement serait une erreur grave, qui coutera cher à la Guinée.
Avec Alpha Condé, on aura tout vu : intimidations, liquidations physiques, tueries des manifestants, tripatouillage électorale, tricherie électorale, et détournement de fonds. Jamais, le problème d’insécurité n’aura été aussi inquiétant en Guinée depuis l’indépendance, comme pendant la période du régime Alpha Condé.
Les conséquences de tous ces crimes économiques ont été désastreuses pour la Guinée : la misère s’est empirée, la pauvreté est devenue une fatalité, le panier de la ménagère en a pris un coup. Les gros perdants ont été les couches vulnérables : les jeunes, les femmes, les petites minorités. Le chômage s’est aggravé et la jeunesse laissée pour compte. Il y a eu une rupture du tissu social. L’injustice, le copinage, le sectarisme, se sont exacerbés dans tous les milieux d’affaire, et dans toute l’administration, notamment, dans les recrutements et les concours administratifs, au détriment d’honnêtes citoyens, de jeunes compétents, qui regrettaient même d’être nés en Guinée ou d’être Guinéens.
Pendant ce temps, les comptes de ces fossoyeurs de notre économie renflouaient les Banques à l’extérieur et ils se pavanaient d’hôtels en hôtels, de palaces en palaces.
La junte s’est engagée, en courant d’énormes risques, pour chasser Alpha Condé du pouvoir, parce qu’elle voulait mettre fin aux souffrances des Guinéens, à la gabegie financière, au vol, à l’insécurité, et à l’insolence de ces nouveaux parvenus.
Ces soldats ont agi par patriotisme. Ils prouvent aujourd’hui qu’ils croient aux valeurs républicaines, à la justice et au droit. C’est dans cette logique qu’Alpha condé, et tous ses complices doivent être traduits devant les tribunaux et être jugés, pour répondre des crimes commis.
La junte doit montrer à Alpha Condé et à ses suppôts que nous sommes dans un pays civilisé, c’est pourquoi, lui, et les tenants de son régime seront jugés en conséquence. La justice doit être faite.
Alpha Condé ne doit pas faire exception. Hissène Habré a été poursuivi jusqu’à sa mort. Blaise Compaoré est traqué aussi. Il faut que les Guinéens aient de la suite dans les idées, qu’ils soient conséquents et persévérants, pour que les plaintes déposées à l’extérieur soient suivies, que leurs dossiers judiciaires soient étoffés, pour qu’ils répondent de leurs actes, sans oublier les massacres du 28 septembre.
Sur le plan national, il faut mettre en place des mécanismes, et des procédures, animés par des juges intègres, pour les juger, pour ces crimes politiques et économiques.
Il est louable de constater que la junte a amorcé un bon départ, avec ces consultations nationales. Toutes les entités sociales, économiques et politiques sont entendues. Ceux qu’on appelait les «Sans voix», ont pu parler cette fois-ci. C’est formidable !
Cependant, quelle suite donner à tous ces discours. On aura tout entendu, même ceux qui pouvaient être en marge de la politique, mais nous sommes tous en Guinée, vivant les mêmes réalités, donc étant dans la même barque, c’est pourquoi le CNRD a voulu écouter tout le monde. C’est bien là un acte de civilité élégant de leur part.
On aura entendu beaucoup de choses de la part de ces organisations politiques et sociales, un diagnostic complet a été fait sur les réalités de la Guinée, sur nos maux et souffrances. Cependant, la question est de savoir: est-ce au CNRD de régler tous nos problèmes actuels, ou à un gouvernement démocratiquement élu ?
J’en appelle au bon sens de nos acteurs politiques et sociaux, d’y réfléchir, pour être fixés sur le réel mandat du CNRD. Il est vrai que l’Etat est une continuité ! Mais, il faudra faire la part des choses, pour mieux s’orienter.
Le CNRD aura eu le mérite de tourner une page sombre de l’histoire de notre pays. On s’en félicite et on les encourage à aller loin. En outre, nos priorités actuelles sont criardes. Il appartient au CNRD de les hiérarchiser et de parer au plus pressé. Il sera surtout question de mettre de l’ordre dans la maison. Le désordre, la pagaille, la gabegie financière et les abus de pouvoir doivent cesser.
J’ai retenu de ces larges consultations nationales, qu’il ne faudrait pas tomber dans les erreurs du passé. Si nous sommes tous d’accord sur ce principe, cela voudrait dire, que la transition ne doit être ni longue, ni courte non plus. La juste mesure, en toute objectivité. Reconnaissons déjà que certains actes posés par la junte sont encourageants : notamment, l’interdiction de certains abus, des trafics d’influence, la récupération des biens détournés de l’Etat, etc.
L’ordre doit être rétabli pour aller de l’avant, vers des élections libres et transparentes. Par contre, organiser des élections n’est pas une sinécure. Il faudra disposer du temps nécessaire et des moyens. Mais avec qui, le CNRD organisera-t-il ces consultations ? Toute la question est là !
La réussite de la transition dépendra du travail sérieux qui sera fait dans cette phase. En cela, les uns et les autres doivent être lucides, pour pouvoir avancer, pour l’intérêt supérieur de la nation. C’est ce défi que devra relever le CNRD, pour aller jusqu’au bout de la noble tâche qu’ils ont entamée.
Dr Paul Faber