Dans notre bled, les transitions se suivent mais ne se ressemblent guère. Chacune a son label et sa marque (déposée). Les cogitations, lors de ces périodes de rupture de l’ordre conventionnel, mettent en transe intellectuels et crypto-intellectuels férus de politique. La Charte, principale innovation de la transition en cours, soulève des interrogations pertinentes, notamment sur deux points qui sont la durée de la période transitoire et la portée juridique de la Charte elle-même.
Dans leurs propos publics, le colonel Laye-M’a-dit Doumbouya et ses camarades n’ont encore fait cas de la durée de la période transitoire. Ils ont jusqu’ici éludé cette question certes à controverses mais dont l’importance est évidente. La transition est un passage d’un état à un autre. Elle connote la progressivité. En sciences sociales, il s’agit d’un concept qui vise à améliorer qualitativement l’état précédent dans un temps objectivement possible. Sa durée est en conséquence liée au degré de dégradation de l’état antérieur de la société.
On comprend alors la prudence des nouvelles autorités qui n’avaient sans doute qu’une évaluation approximative de la situation politique, économique, sociale et culturelle du pays lorsqu’ils ont chassé le Grimpeur de Sékhoutouréya, le 5 septembre, au petit matin. Veulent-elles mieux s’approprier la situation avant de s’aventurer dans des dédales dont l’issue est incertaine ?
Comme cet attentisme peut bien être assimilée à une tentative de confiscation du pouvoir pour une période plus que de raison longue, beaucoup de guinéens sont vent debout et proposent qui, une période de plusieurs années, qui une durée n’excédant pas six mois. Les uns et les autres ne tarissent pas de maux pour soutenir leurs chapelles. Les partisans de la longue période sont généralement des activistes de la société civile et des leaders de partis politiques fragiles en quête d’électeurs et de notoriété qui espèrent devenir suffisamment combattifs au moment du retour à l’ordre constitutionnel. Ceux qui sont favorables à une transition de moyenne/courte durée sont les responsables et les militants des formations politiques résilients, dotées de redoutables rouleaux compresseurs électoraux et coutumières des compétitions électorales.
Le second point qui suscite des cris d’orfraies est la portée juridique de la Charte qui se substitue à la constitution durant la Transition. Selon ses détracteurs, la Charte a une légitimité et une légalité amoindries par les conditions de sa rédaction. Quoiqu’elle ait été précédée par des concertations massives et inclusives, on sait que dalle de ses rédacteurs et elle a échappé à l’appréciation du peuple souverain, à travers le vote référendaire.
Ces débats, parfois oiseux, soutiennent des positionnements stratégiques et tactiques. Ce ne sont souvent que des jugements de valeur. D’ores et déjà, s’agissant de la durée de la transition, le CNRD s’engage à s’en remettre au verdict populaire. Des exemples de cas réussis sont des sources d’inspiration. N’est-ce pas le Grimpeur et ses ouailles qui ont perverti la précédente transition guinéenne en en ignorant les actes fondamentaux (constitution, organisation d’élections, etc.) ?
Abraham Kayoko Doré