Une averse de décrets s’est abattue sur la Grande Muette dans la soirée du mardi 12 octobre. Comme une chape de plomb. Une brochette de 42 épaules scintillant d’étoiles dont le nombre vaut ce que pèse le récipiendaire, a été priée de faire valoir son droit à la retraite. Un droit ou un devoir ? Un plaisir ou une douleur ? Allez savoir !
En tout état de cause, l’aménité et les largesses du CNRD ont considérablement édulcoré la sévérité de la douleur, si douleur il y a. En ce milieu, il ne faut surtout pas faire des sourcilleux et des aigris. L’amertume ne se traduit pas que par des jurons, des noms d’oiseaux qui peuvent parfois, pour être plus audibles, être appuyés par des pétarades de kalachnikov ou de PMK. Toto le sait aussi. Alors, les étoilés continueront de percevoir la solde (pour quelle durée ?) Un véhicule neuf leur sera attribué et ils jouiront d’une confortable indemnité de logement et d’une dotation en carburant. Ils seront soignés (douce moitié et enfants exclus) aux frais de la princesse. Face à de tels avantages, rares sont ceux qui feraient la fine bouche.
Outre ces privilèges, nombre de généraux ont retrouvé un emploi, au sein de la Grande Muette et parfois même dans le civil. Le Conseil Supérieur de la Défense Nationale a été le principal point de chute de ces heureux retraités. La Générale de Brigade M’Mahawa Sylla, l’unique générale de l’armée guinéenne, reste la timonière de la Région de Conakry. Bof ! Ne jetez pas l’opprobre sur nos militaires pour phallocratie et misogynie ! Le métier des armes depuis son apparition, à l’aube de l’humanité, n’a suscité un engouement féminin nulle part, nonobstant quelques cas isolés tels la Française Jeanne d’Arc, l’Ivoirienne la Reine Pokou, les Amazones du Bénin, etc. Outre la Générale, d’autres retraités ont été investis de la charge d’administrer les Régions administratives de Boké, Kindia, Labé, Mamou, Faranah, Kankan et N’Zérékoré.
On ne doit pas écarter la probabilité que certains appartiennent à l’équipe gouvernementale de la transition. Les civils prendront leur mal en patience et attendront le retour du pays à l’ordre constitutionnel pour assouvir leurs prétentions de reprendre les rênes de l’administration territoriale déconcentrée.
La mise massive à la retraite d’officiers généraux n’est pas inédite, en Guinée. Le CNDD de Dadis et Sékouba y a eu recours, pour éloigner des casernes non seulement une vingtaine d’officiers généraux, mais aussi environ trois cents officiers de moindre rang et des hommes de troupes. De toute évidence, elle aide les jeunes officiers à avoir les coudées davantage franches pour conduire la transition avec la liberté de ton et de mouvements requise. Elle entraîne la promotion de jeunes officiers aux grades d’officiers généraux tout en libérant des fonctions et des emplois qui peuvent être attribués à des officiers supérieurs plus jeunes.
Enfin, l’initiative assainit l’environnement civilo-militaire de la transition dont elle accroît la résilience.
Abraham Kayoko Doré