Pour être boulimique, le Colonel Doum-bouillant l’a été la semaine dernière. Il est allé de cérémonie de recueillement en cérémonie de recueillement, une initiative qui a suscité autant d’applaudissements que de cris d’orfraie tant les personnes honorées sont dissemblables, loin les unes des autres en termes de convictions idéologiques et de pratiques politiques.

Voyons, voyons ! L’ancien légionnaire a entamé le marathon par le mausolée où repose Ahmed Sékou Touré le tyran, près de la mosquée Fayçal, à Kameroun. Le Colonel Doum-bouillant a quatre ans à peine lorsque celui à qui il a rendu hommage, a tiré sa révérence. Il n’a pas vécu la révolution et ses affres. Il en a entendu parler. La révolution est pour lui de l’histoire. Il n’a pas été témoin oculaire des pendaisons de 1971. Doit-on alors lui tenir rigueur de se recueillir sur la tombe du dictateur ? Il peut ne pas éprouver le même sentiment de répugnation que les contemporains du responsable suprême.

Du mausolée, le colonel file droit à Bouramaya pour se mettre au garde-à-vous face à la tombe de celui qui a, en avril 1984, avec ses amis du CMRN, débarrassé les Guinéens, de la chape de plomb de la révolution. A bas les normes ! A bas l’école coco lala ! Vive les initiatives privées ! Que doit la Guinée au Général Lansana Conté ? L’effort de construction d’une société libérale dont les contours sont précisés dans le discours programme du 22 décembre 1985. La promotion des initiatives privées économiques, la naissance des partis politiques, l’émergence du mouvement associatif (groupements, ONG, Coopératives, etc.) sont les effets de la mise en œuvre des nouvelles orientations imprimées par Lansana Conté. Le pays lui est donc redevable du processus de démocratisation et de décentralisation.

Le lundi 27 septembre, inlassable, le colonel déboule au cimetière de Bambéto et se dirige d’un pas ferme vers le carré des martyrs de la démocratie. Il s’y incline pieusement sur les tombes des jeunes morts lors des manifestations contre le troisième mandat de Alpha Grimpeur. Le geste est fort, car il témoigne de la reconnaissance du statut de martyrs nationaux à ces jeunes. On a noté la rupture entre la transition et l’Alphagouvernance. Le bénéfice pour la junte et son président peut être inestimable.

Doum-bouillant quitte Bambéto et, à pas de charge, file droit, le lendemain 28 septembre, au Stade du 28 Septembre qui évoque à la fois, pour les Guinéens, la joie et la douleur, le vote qui consacre la liberté de la Guinée et le massacre en 2009 de plus d’une centaine d’hommes et femmes. Se recueillir  en ce lieu symbolique vous couvre d’aura. Même Toto le sait.

Dans la foulée, le Président du CNRD accomplit un geste moins spectaculaire que les précédents mais dont le pesant d’or vaut celui de plus d’un lingot d’or : la visite à l’ex Première dame, Andrée Touré. Lorsqu’on sait la popularité qu’a connue son époux, on imagine l’intérêt que le visiteur peut en tirer. La ballade n’est ni inutile ni banale.

La virée du Président de la Transition, véritable opération de charme, lui a permis de briser la glace mais aussi et surtout d’entrer dans la grâce du populo. Qui confie le pouvoir et le reprend quand bon lui semble.

Abraham Kayoko Doré