Irruption de militaires dans les locaux d’un média, chaînes privées empêchées de suivre les concertations nationales… Alors qu’une partie de la presse rencontre des difficultés à couvrir l’actualité politique depuis le coup d’État en Guinée, Reporters sans frontières (RSF) appelle les autorités de transition à ne pas entraver l’exercice du journalisme dans le pays.

«Même si les journalistes n’ont pas été blessés physiquement, ils ont tous été touchés moralement ». Samedi 9 octobre, autour de 22h, des militaires des forces spéciales ont fait irruption dans les locaux du groupe Djoma Média, appartenant à un proche de l’ancien président, Alpha Condé. Ils ont prétexté être à la recherche de véhicules appartenant à l’État qui avaient disparu. Après que les agents de sécurité du bâtiment leur ont refusé l’accès, des tirs ont retenti durant une dizaine de minutes, faisant au moins deux blessés. Les agents des forces spéciales ont finalement réussi à pénétrer dans les locaux sans pour autant trouver ce qu’ils cherchaient.

Le colonel Balla Samouré, l’un des membres les plus influents du Comité national du rassemblement et du développement (CNRD), la junte militaire qui a renversé le président Alpha Condé le 5 septembre dernier, a réagi publiquement, lundi 11 octobre, en affirmant que ce problème serait “réglé au niveau de la hiérarchie militaire”, tout en exprimant sa solidarité vis à vis du groupe Djoma Média.

Depuis le coup d’État mené par le Groupement des forces spéciales, dirigé par Mamadi Doumbouya, la couverture médiatique des activités officielles par les médias privés se dégrade en Guinée. La veille de l’incident à Djoma Média, vendredi 8 octobre, plusieurs chaînes se sont vues empêchées de couvrir l’investiture du Premier ministre, Mohamed Béavogui. Selon au moins trois journalistes contactés par RSF, les médias privés sont également régulièrement empêchés de suivre les concertations nationales, laissant à la Radio Télévision Guinéenne (RTG), la télévision d’État, le monopole de la couverture de ces échanges avec les militaires.

“La sécurité des journalistes et l’accès à l’information sont deux piliers de la liberté de la presse sur lesquels les autorités de transition sont attendues, déclare le responsable du bureau Afrique de RSF, Arnaud Froger. Nous espérons que cette intervention fera l’objet d’une enquête sérieuse et de sanctions appropriées afin d’envoyer un message clair au secteur des médias. Il est essentiel que les journalistes puissent travailler dans un environnement serein et ouvert afin de jouer pleinement leur rôle durant cette période de transition. »

La liberté de la presse était régulièrement mise à mal en Guinée sous le régime d’Alpha Condé. Malgré la fin des peines privatives de liberté pour les délits de presse, certains journalistes ont fait l’objet d’arrestations et ont été placés en détention cette année. Les dernières en date concernent les journalistes Ibrahima Sadio Bah et Amadou Diouldé Diallo, tous deux détenus pendant trois mois de février à mai 2021, le premier pour diffamation et le second pour offense au chef de l’État.

La Guinée a perdu 23 places depuis 2013 et occupe désormais le 109e rang sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF.

Reporters Sans Frontières