Le 18 octobre 1971, le régime d’Ahmed Sékou Touré, exécutait et enfouissait dans des fosses communes plus de 60 guinéens, accusés souvent à tort, d’avoir œuvré à renverser le pouvoir, au plus fort de la dictature du PDG notamment en 1971. Ces guinéens ainsi que d’autres tués la même année, ont été commémorés ce 18 octobre 2021, par l’AVCB, Association des victimes du Camp Boiro. Victimes, fils, petit-fils et proches de ces victimes se sont réunis au Camp Camayenne, ex-Camp Boiro, dans l’enceinte duquel se trouvait le fameux site de « tête de mort ». Le Président de la Transition, le colonel Mamadi Doumbouya était annoncé, mais on parle plutôt d’une délégation du CNRD attendue en début d’après-midi. Pour l’heure, il s’est fait représenter par des responsables du Camp Camayenne. Néanmoins, l’AVCB s’est adressée au CNRD, par un discours lu par Abdoulaye Conté, actuel président de l’Association.
Fodé Maréga, fils de Bocar, une des victimes de 1971, dénonce ce qu’il a appelé «la cruauté des dignitaires du PDG. C’est une ignominie qui a été perpétrée sur le territoire guinéen en 1971. Nous avons aujourd’hui 50 ans de commémoration. Ce jour-là, ce sont de hauts cadres de ce pays qui ont été exécutés de manière atroce. Les gens ont été réveillés la nuit, accompagnés dans les différents charniers. On leur a demandé de creuser leurs propres tombes avant d’être exécutés. Ils ont été tués sans jugement, c’était un régime sanguinaire.» L’ancien député de l’UFDG demande aux nouvelles autorités de faire la lumière sur ces exécutions extra judiciaires : «Le CNRD nous a dit que la justice sera la boussole, nous voulons continuer cette justice. Avant-hier, ils se sont recueillis sur la tombe de Kaman Diaby, il est dans une fosse avec d’autres, il est temps de faire la même chose pour les autres. Nous pensons qu’il y aura un nouveau souffle pour que cette situation soit réglée. Nous leur demandons les clôtures des différents charniers, pour qu’on puisse se recueillir sur la tombe de nos parents.»
« Je suis né au Camp Boiro »
Daniel Philippe, lui, est né au Camp Boiro alors que sa mère y était incarcérée. Il raconte : «Je suis né en 1972, je suis resté dans ce Camp jusqu’à l’âge de 6 ans. Je me suis toujours considéré comme une victime collatérale, celle qui a le plus souffert, c’est ma mère. Nous avons eu la chance d’en sortir vivants, mais notre vie a été bouleversée. Nous avons subi beaucoup d’atrocités. Mais nous pensons que c’est le début de la réhabilitation, nous espérons qu’il n’y aura plus jamais de telles choses dans ce pays. »
La cérémonie a été clôturée par une lecture du saint-coran pour le repos des âmes des différentes victimes et un recueillement sur une des fosses communes, se trouvant sur les lieux.
Après la fameuse agression de 1970, des centaines de Guinéens sont arrêtés et accusés d’avoir un lien avec l’événement. Certains seront tués dès janvier 1971, les autres en juillet et octobre de la même année.
A l’avènement de Lansana Conté au pouvoir le 3 avril 1984, le site a été restitué à l’Association des victimes, avant d’être complètement rasé ensuite par le CNDD. L’accès au site a été interdit aux victimes depuis deux ans, par le régime déchu d’Alpha Condé.
Yacine Diallo