Le cas M’Mah Sylla a choqué tout le monde. Mais il y a un temps pour l’émotion, la consternation et la colère et un temps pour la raison et la sérénité.
Dès lors que la justice est saisie, il faut lui laisser le temps de faire son travail sans aucune forme de pression ni de la part du gouvernement ni de la part de l’opinion publique. Le parquet du Tribunal de Première instance de Mafanco est dans son rôle, en publiant un communiqué relatif à l’état de la procédure. C’est la loi (le Code de procédure pénal) qui lui en donne le pouvoir. Mais le gouvernement doit faire preuve de circonspection en évitant de donner l’impression qu’il s’immisce dans une procédure judiciaire contrairement à l’engagement du Colonel Mamadi Doumbouya de faire de la justice la boussole qui va guider tout le monde.
Le décès de M’Mah Sylla, dans des conditions qui ont été très largement relayées par la presse, a créé une indignation perceptible au sein de l’opinion. La demande pressante de justice dans cette affaire est parfaitement légitime. Mais dans la recherche de la justice, il faut se méfier de tout ce qui pourrait influencer négativement les juges.
Dans son livre «Les erreurs judiciaires », Maître René Floriot, ancien ténor du Barreau de Marseille, cite parmi les causes des erreurs judiciaires, la colère et l’émotion causées par un crime. En effet, suite à une infraction comme celles reprochées aux personnes détenues dans l’affaire «M’Mah Sylla », l’opinion est choquée et indignée; elle crie vengeance et se fait une opinion arrêtée dont il est difficile de la défaire. En pareilles circonstances, le travail des juges est très délicat, car ils sont écartelés entre le souci de respecter leur serment et la volonté de satisfaire l’opinion publique.
C’est pourquoi, il faut tout à tout prix, observer un minimum de calme en laissant la justice faire sereinement son travail. Ce qui ne doit pas empêcher de rester vigilant en suivant de très près l’évolution de la procédure pour que justice soit rendue et que plus jamais ça. Mais encore une fois, il ne faut jamais faire croire que des principes comme celui de la présomption d’innocence et le droit à un procès juste et équitable n’ont de sens que lorsqu’ils nous concernent ou concernent nos proches. Autant il faut se battre pour que les coupables soient punis, autant il faut œuvrer à ce qu’un innocent ne soit pas condamné, car la condamnation d’un innocent signifie que le véritable coupable est en liberté, court toujours et risque de faire d’autres victimes. La victime de son crime n’aura donc pas obtenu justice.
Me Mohamed Traoré, avocat