Le premier novembre 2021, date anniversaire de la création de l’Armée guinéenne a été marqué par un évènement hors de commun. La visite et le recueillement des officiers supérieurs de notre Armée sur les tombes du Colonel Kaman Diaby et consorts, au pied du Mont Kakoulima. Un geste insolite de haute facture. Quelle surprise ! Des tombes avec des stèles assez modestes aménagées en si peu de temps immédiatement après la chute du dictateur.

Mea-culpa de l’Armée

Dignement, l’envoyé du Colonel Mamadi Doumbouya, Chef des Armées et Chef de l’Etat a présenté officiellement les excuses de l’armée Guinéenne, pour sa participation à ces crimes honteux. Le Colonel Sadiba  KOULIBALY, Chef d’Eta- Major Général de l’Armée,  a demandé pardon aux victimes, à leurs parents, et à toute la Guinée, au nom du chef suprême des Armées, en tant qu’institution, pour la construction d’une Guinée nouvelle. Celui-ci a bien précisé que cette formalité n’a nullement pour objectif de se substituer à la justice, mais que c’est plutôt, un geste d’apaisement, à l’endroit des victimes et de leurs parents, dans le but de réconcilier aussi l’Armée avec son peuple, pour le renforcement de l’unité nationale.

Et au ministre de la Défense de déclarer avec emphase : Il y a eu trop de crimes commis en Guinée, dans l’impunité, des crimes inutiles ! Une triste vérité, des crimes qui depuis notre indépendance ont laissé des stigmates sur notre société.

Quand on commet délit, il y a préjudice porté sur deux entités : 1) la victime qui subit le dommage, et 2) la société, qui a ses lois, pour combattre l’injustice, représenté juridiquement par l’Etat. La réparation du délit ne peut se faire que sur ces plans : envers la victime, et vers  le ministère public, pour le compte de la société. Logiquement, un mal qui est fait à un homme touche inévitablement la société. Mais tout ce qui touche l’homme et la société, concerne la divinité, car Dieu est en chacun de nous. Quels que soient les prières, le pardon du divin, ne s’obtient qu’à travers celui de la victime. Toutes les grandes religions sont d’accord sur ce principe.

En Guinée, avec tous ces hommes injustement abattus qui jalonnent notre histoire, il n’y a jamais eu de reconnaissance officielle, des crimes commis, à plus forte raison de repentir. Le temps passe, beaucoup de bourreaux s’en sont allés dans l’au-delà, sans reconnaître leur forfait, sans pardon et sans repentir. Et le mal reste, les plaies sont encore ouvertes, les victimes sont meurtries dans leur chair et dans leur âme.

Que de combats menés par l’Association des victimes du camp Boiro, pour la reconnaissance des tords qu’ils ont subis, avec leurs parents. Mais du côté de l’Autorité, il y a toujours eu sourde oreille. Il n’y a pas plus sourd, que celui qui ne veut entendre.

Un Etat est caractérisé par sa continuité. Les gouvernements qui se succèdent portent toujours, la responsabilité des actes posés par les précédents .c’est pourquoi, dans de nombreux pays de notre planète, des revendications persistes, pour des crimes d’antan, n’ayant pas fait l’objet de reconnaissance et de pardon : les camps de concentration, le génocide Arménien, celui Rwandais, les crimes coloniaux, la Guerre d’Algérie, pour ne citer que ceux-là, et tant d’autres faits sombres de l’histoire de l’humanité, dont les traces sont encore indélébiles. Cependant, la lutte continue encore pour certains : une reconnaissance du mal commis, seulement une reconnaissance, c’est déjà quelque chose !

La Guinée devrait s’inspirer des conférences nationales qui ont eu lieu au Mali, au Benin, en Afrique du Sud, avec ‘’la vérité et réconciliation’’, et dans d’autres pays Africains.

Ce qu’il faut savoir dans notre cas, c’est que les victimes n’ont pas encore pardonné, et Dieu aussi ne pardonne pas non plus. Ce qui veut dire que nous portons encore ces pêchés, comme l’œil de Caen, ou les remords de Judas. N’est-ce pas ces boulets que la Guinée trimbale, nous empêchant réellement d’amorcer une véritable paix sociale, un développement harmonieux de notre société.

Soyons responsables

Soyons conséquents et honnêtes avec nous-mêmes. Cessons de nous mentir ! Ouvrons des instructions judiciaires, sur toutes ces pages noires de notre histoire, en tirons les conclusions, pour que la vérité jaillisse, pour aller vers le pardon. Cela prendra le temps qu’il faudra, parce que, ça ne se fera pas en un seul jour, mais posons des actes concrets dans ce sens.

Beaucoup d’informations se sont enfouis dans les méandres, mais la mémoire demeure, allons de l’avant !

Un autre acte regrettable de falsification de notre histoire, est la destruction du Camp Boiro. Quelle ineptie !

Le mérite du CNRD

Trois actes déjà positifs du CNRD :

  • La visite du Chef de l’Etat au cimetière de Bambeto, pour les victimes des manifestations ;
  • La présence du Premier Ministre, à la cérémonie de l’Association des victimes du Camp Boiro ;
  • La visite de l’armée sur les tombes du Colonel Kaman Diaby, et compagnons.

Ces faits forts louables de la junte, qui fait son entrée par la grande porte de notre histoire, démontrent que nous avons enfin une armée responsable, à visage humain, dont le cœur bat, pour la paix et le bien-être de la Guinée.

C’est déjà un grand pas, pour nous réconcilier avec l’histoire, et surtout, avec la nôtre. Nous l’encourageons à rouvrir tous ces dossiers noirs, d’ouvrir tous ces tiroirs, ‘’Cold cases’’, pour révéler la vérité aux victimes, et à la Guinée, pour obtenir leur pardon, et celui du miséricordieux.

L’Etat doit assumer, c’est la meilleure façon pour nos dirigeants d’être responsables, et de prendre une revanche noble sur l’histoire.

Paix aux âmes de nos victimes, Que Dieu tout Puissant nous pardonne pour nos pêchés !

Dr Paul Faber

Écrivain/Poète