Après lecture de la première partie de cette étude (publiée le 21 octobre dernier Ndlr), un lecteur a posé la question suivante: Etes-vous sûr que la République de Guinée ne fait pas partie des pays où il fait bon vivre ?
Oui, absolument ! J’en veux pour preuve irréfutable, l’ampleur inégalée de l’émigration guinéenne.
Le Ministère des Affaires Etrangères lui-même a estimé dans la note publiée par l’Ambassade de Guinée à Paris le 08/01/18 que le nombre de diaspos est d’environ 5 millions sur les 12 millions du pays, donc pas loin de la moitié ! Un humoriste a dit à juste titre que si tu vois des poissons sortir de leur eau, c’est qu’il y a problème dans cette eau.
A présent que le Gouvernement de la Transition CNRD est en place, on peut aborder la feuille de route annoncée dans la première partie. C’est-à-dire ouvrir la liste des tâches que les gouvernants de la RG n’ont pas effectuées contrairement à leur mission, préférant plutôt s’occuper de leurs patrimoines personnels.
Dans la proclamation solennelle de ses objectifs, le CNRD annonce la réforme profonde de l’Etat afin qu’il puisse s’atteler entièrement à l’amélioration continue des conditions de vie de l’ensemble des Guinéens/Guinéennes. Dans ce sens, il y a des dossiers hautement prioritaires: le siège de la Présidence de la République, l’analphabétisme/obscurantisme, les infrastructures pour la mobilité des personnes et des biens, l’émigration, les mines/industries, etc…
Sékhoutoureya
En rebaptisant ainsi le siège de la Présidence de la RG, Lansana Conté voulait honorer son bienfaiteur Sékou Touré dans le système duquel il a fait la carrière qui l’a conduit à la tête de la RG. Mais, ce faisant, il a en même temps commis une agression inqualifiable vis-à-vis à la fois des dizaines de milliers de morts des camps Boiro et autres; et des millions de migrants qui, à leur corps défendant, ont dû affronter le statut souvent difficile d’étrangers dans divers pays de la Planète. Ces 2 catégories de victimes sont en effet de la responsabilité directe ou indirecte du premier Président de la République de Guinée. Corriger cette grave erreur est donc une des urgences des décideurs de la RG depuis le 5 septembre 2021.
Analphabétisme/obscurantisme
Le magazine Jeune Afrique dans son n° 3096 de janvier 2021 indiquait que le taux d’alphabétisation en Guinée est de 32%, et qu’un seul autre pays de la Cedeao a un taux plus faible de 30,6%. La population guinéenne est ainsi analphabète à 68% dans la langue officielle du pays! Quand on sait que le développement est la résultante de plusieurs facteurs parmi lesquels la formation des ressources humaines est l’un des tout premiers, on mesure le chemin préparatoire qui est devant nous. Ce qu’il faudrait donc, c’est un véritable plan décennal à l’issue duquel tout enfant en âge scolaire devrait être dans une école, et tout adulte analphabète qui le souhaite devrait bénéficier de cours d’adulte pour ses besoins personnels.
Mobilité
Le mouvement des personnes et des biens est l’un des secteurs sinon le secteur d’activités le plus gravement en peine dans notre pays. Pour les routes, c’est la galère des voyageurs entre les différentes localités qui défraie l’actualité nationale depuis des années. Quant aux chemins de fer, les rares qui existent ne peuvent transporter que de la bauxite, pas de voyageurs ! En 2011, les Présidents Alpha Condé et Lula du Brésil avaient posé la première pierre du nouveau train/voyageur de Conakry à Kankan, qui resta malheureusement la dernière! Les liaisons aériennes intérieures sont exclusivement réservées aux dignitaires du système, à coup de locations à prix d’or d’aéronefs privés aux frais des contribuables bien sûr. Alors qu’autrefois Air-Guinée reliait Conakry à Labé en 45 minutes, de nos jours, il faut en moyenne une journée sur ce trajet. Les liaisons maritimes le long de la côte ne font même plus partie des rêves les plus fous. Au total, l’enclavement général est la caractéristique principale de l’ensemble de nos régions.
Emigration
L’aspect le plus spectaculaire du bilan de l’indépendance guinéenne est l’ampleur de l’émigration des jeunes. Le système Sékou Touré avec son PDG l’avait créée, puis ses successeurs Lansana Conté du PUP) et Alpha Condé du RPG l’ont amplifié autant qu’ils ont pu. Pourtant la Guinée a eu avec le HCR (Haut-commissariat des Nations Unies aux Réfugiés) beaucoup d’expériences dans la gestion des populations mises en mouvement contre leur gré: guerre de libération du PAIGC en Guinée-Bissau; guerres civiles en Sierra Leone, au Libéria, en Côte d’Ivoire. Mais ses dirigeants n’ont jamais songé à en faire profiter sa propre population elle-même réfugiée dans les pays limitrophes ou lointains. Parmi les diaspos guinéens, il y a quelques catégories particulières comme les doyens et les jeunes cadres. Les premiers, tous à la retraite dans leurs pays de résidence, aspirent simplement à rentrer au village natal, pour y finir leurs vieux jours; les seconds quant à eux ambitionnent de mettre leurs connaissances et expériences au service du pays de leurs ancêtres. Le rapatriement de tous les volontaires de cette population est l’une des premières urgences des Pouvoirs issus du coup de balai salvateur du 5 septembre 2021.
Mines/industries
Tous les pays du Tiers-Monde aspirent à devenir des pays industrialisés. Pour la Guinée, les colons français avaient rapidement décelé l’immense potentiel minier et autres du pays, et avaient élaboré pour le territoire un méga projet industriel exposé par le Gouverneur Roland Pré en 1951 dans son ouvrage « L’avenir de la GF (Guinée française »). Il y était question de « zones d’organisation industrielle stratégique » parmi lesquelles «celle de la GF à proximité des mines de Conakry (bauxite des Iles de Loos et minerai de fer de la Presqu’île de Kaloum) et du château d’eau du Foutah Djallon, pour alimenter la grande base atlantique de Dakar/Cap-Vert ». Dans ce cadre fut élaboré et lancé le «Plan bauxite/aluminium» qui se concrétisera en 1958 par l’ouverture du chantier de l’usine d’alumine de Fria et du chemin de fer Fria/Conakry, suivi en 1960, des premières exportations d’alumine; en attendant la construction du Grand Barrage du Konkouré, pour la production de l’aluminium.
Toutes choses que les dirigeants de la Guinée devaient poursuivre en remplaçant simplement les colons français par la population guinéenne en ce qui concerne les bénéficiaires.
L’industrialisation de la Guinée à partir de la bauxite et du minerai de fer doit être la préoccupation cardinale des autorités guinéennes à partir du 5 septembre 2021. La Guinée doit cesser d’ici 5 à 10 ans d’être exportateur de minerais bruts. Toutes nos matières premières restent bien évidemment à la disposition de l’économie mondiale, mais après transformation obligatoire sur place en produits finis ou semi finis (alumine, aluminium, aciers, …), pas pour alimenter les industries des autres.
Au total, pour nous CIC (Comité d’Initiatives Citoyennes), ce qui est souhaitable après l’installation du Gouvernement CNRD, l’état des lieux des différents départements, et l’élaboration des programmes pour le court terme, c’est l’ouverture de ces dossiers lourds et le lancement de leurs études et planifications. Si cela est, alors le sacrifice des compagnons du CNRD tombés le 5 septembre 2021 et des innombrables compatriotes disparus sous les coups des divers régimes depuis 1958 n’aura pas été vain. Wassalam.
Pour le CIC, le Porte-parole:
El Hadj Amasadio Bah
saduma43@yahoo.fr