Sacrée, Guinée. Elle ne tire pas de leçons de sa propre histoire et de celle de l’Afrique à laquelle elle apporte pourtant une contribution de qualité. La mise en place du Conseil national de la Transition (CNT) met en émoi le landerneau politique et au sein de la nébuleuse société civile.

Dans la Charte de la Transition, le CNRD a fixé le mandat, les missions et la structure du CNT, en précisant même le nombre de sièges attribués aux entités éligibles (81). Ainsi, les partis politiques au nombre de 181 n’ont obtenu que 15 pauvres sièges ; les Forces de Défense et de Sécurité (FDS) en ont 8, les personnes ressources 9. La Société civile exagérément éclatée hérite de la part du lion, c’est-à-dire de ce qui reste.

C’est une véritable patate chaude que le CNRD a balancée à la figure des politiciens et des activistes de la Société civile. Comment répartir 15 places entre 181 formations politiques plus promptes à se faire la guéguerre qu’à disserter, en toute convivialité ? Au sein de la société civile, les différentes structures faîtières, les syndicats, les entités socio-professionnelles s’étripent pour figurer parmi les futurs Cntêtards. En ce moment, on assiste à un branle-bas de combat, à une guerre de tranchée. On joue des coudes pour écarter les concurrents et occuper la meilleure position. Tout cela parce qu’on a été incapable de s’asseoir ensemble pour établir des critères objectifs de désignation des partis et des structures de la société civile qui doivent siéger au CNT. N’est-il pas fallacieux et intellectuellement malhonnête de prétendre que tous les partis politiques sont égaux et qu’ils peuvent, indifféremment, de façon aléatoire, devenir membres de l’organe législatif de la transition ?

Depuis 2010 (pour rester dans les limites d’un passé proche), plusieurs élections présidentielles, législatives et locales ont été organisées. On connaît les partis qui ont participé à toutes ces élections mais aussi le pourcentage de voix et de sièges qu’ils ont engrangés. Qui, de bonne foi, ignore que le RPG, l’UFDG et l’UFR ont toujours surclassé les autres, se détachant toujours nettement d’eux dans la course. En 2010, ces trois formations politiques avaient raflé près de 75% des voix au premier tour de l’élection présidentielle pendant que l’écrasante majorité de leurs adversaires était créditée de honteux scores oscillant entre 0 et 1.

De cette époque jusqu’à l’élection présidentielle de 2015, aucune formation politique n’a perturbé ce trio de tête. N’est-ce pas le poids électoral d’un parti qui en fait une petite ou grande formation politique ?

Du côté de la société civile, c’est la chienlit. Là, les critères de hiérarchisation ne sont pas évidents. L’imprécision sémantique en rajoute à la confusion dans l’identification des démembrements de la nébuleuse. Composantes de la société civile, des structures (organisations patronales, organisations de femmes, organisations paysannes, personnes vivant avec handicap, organisations de presse, etc.) sont considérées comme autonomes et bénéficient de sièges. La multiplicité des organisations de la société civile qui auraient dû être regroupées dans des structures, a exacerbé les situations conflictuelles qui peuvent retarder la mise en place du CNT, prolonger la durée de la transition et élargir le fossé entre les partenaires, politiques et sociaux.

La gouvernance de la Transition ne risque-t-elle pas d’en pâtir ?

Abraham Kayoko Doré