Sous les tropiques, on connaît la chanson, le topo. Chaque fois que la Grande Muette, mécontente de ses propres conditions de vie et de celles du populo, investit, par moments, le champ politique et congédie les professionnels. La CEDEAO où plastronnent les petits copains du voisin congédié, se retrouve rapidement autour du verre de champagne ou du caviar, pousse des cris d’orfraie et décide tout de go de sanctionner ceux qui ont eu l’outrecuidance d’humilier l’infortuné pair. Et vlan, voilà le bras de fer. La CEDEAO, fidèle à son principe de zéro de coup d’Etat militaire, menace de sanctionner la Grande Muette généralement soutenue par les partis politiques de l’opposition et une masse critique des activistes de la Société civile, tous ensemble, arcboutés sur le sacro-saint concept de souveraineté nationale, incompatible avec l’immixtion d’autrui dans ses affaires.

Le CNRD et la CEDEAO sont à présents dans cette posture. Pour arrêter la boulimie des coups d’Etat et renforcer la probabilité de réussite de la mise en œuvre des actes de la conférence de la Baule, les Etats africains avaient décidé de condamner sans ambages toute conquête anticonstitutionnelle du pouvoir et d’infliger au coupable de telle forfaiture des sanctions dissuasives (suspension des Organisations sous régionales et régionales, suspension des appuis techniques et financiers, etc.). Inlassable et presque sans discernement, la CEDEAO punit de ces sanctions ses membres dans lesquels des militaires exaspérés par la mauvaise qualité de la gouvernance, mettent au gnouf le roitelet du coin et renvoient tous ceux qui se croyaient sortis des cuisses de Jupiter. Elle veut faire rendre gorge Laye-M’a-dit et le CNRD. La pilule ne passe pas ou passe très mal. L’os reste en travers de la gorge.

Laye-M’a-dit et le CNRD ne cachent leur agacement. Notez plutôt : « Cependant, la nomination d’un Envoyé spécial ne nous paraît ni opportune ni urgente dans la mesure où aucune crise interne, de nature à compromettre le cours normal de la Transition, n’est observée. La mise en place des organes de la Transition se déroule comme prévu, dans un climat et en parfaite symbiose avec les Forces vives du pays. » Pan sur le bec de la CEDEAO !

Outre ces propos sophistiqués des actuelles autorités du pays, beaucoup de guinéens reprochent à l’organisation sous régionale son mutisme coupable face à l’hérésie d’Alpha Condé de s’octroyer un troisième mandat après avoir jeté aux orties la constitution de 2010 sur laquelle il avait prêté serment et qu’il s’était engagé à défendre. Les centaines de morts et les destructions considérables de biens que les manifestations provoquées par l’entêtement de l’ancien président guinéen, ponctuées d’appels des politiques et de la Société civile, n’ont trouvé aucun écho favorable auprès de la CEDEAO qui aurait pu, à ce moment, éviter à Alpha Grimpeur, l’opprobre qui le couvre à présent.

La CEDEAO donne raison à ceux qui la considèrent comme le syndicat des chefs d’Etat qui en sont membres.

Abraham Kayoko Doré