Bonjour monsieur le Président, je m’appelle Fatoumata Kouyaté. Je suis web Ar’tiviste guinéenne sous le pseudo @Lettresvagabondes Fatou-Mata, j’interviens sur les questions de violation des droits des femmes et celles de violences sexuelles.

J’ignore si vous étiez au courant, mais le viol en Guinée a pris ces dernières années, une ascension fulgurante due à l’impunité, au laxisme de l’autorité judiciaire et sa banalisation plus qu’outrageante dans nos médias.

Non seulement les victimes se confrontent à une dépense procédurale judiciaire qu’elles ne peuvent supporter, mais aussi l’absence creuse d’avocats et de médecins pro bono (travail réalisé à titre gracieux) pour des consultations de médecine légale et plaidoyers pénaux, rendent la tâche d’accompagnement des victimes d’avantage compliquée.

Ces difficultés exacerbent l’impunité et les cas de viol, car les victimes n’osent dénoncer leurs bourreaux.

Soit il est procédé à un règlement à l’amiable, une médiation consentie par la famille ou une condamnation avortée après quelques jours seulement d’emprisonnement du violeur.

Je ne sais pas si le CNRD procède à une veille info constante, mais vous relèveriez un nombre important de viols sur des sites comme Guineenews, mediaguinee, lerevelateur224, Espace FM ou FIM FM, pour ne citer que ceux-là.

Sinon, cette courte vidéo du mouvement @BTVGN avec quelques chiffres pourrait vous donner un petit aperçu : https://fb.watch/8uNvh-H3yD/

Après la turbulence médiatique autour de ces cas, dont le traitement friand de sensationnel efface la victime et son mal, l’expose, la diminue, l’accuse, et plus loin se permet de redéfinir sa féminité, et en l’absence de toute prise en charge complète par une association (elle aussi se confrontant à une insuffisance de son budget de fonctionnement), l’affaire est étouffée, classée et mise aux oubliettes.

La justice, ça coûte trop cher !

Je tiens quand-même à vous rappeler que le viol est un crime, tout comme tuer. Certains violent et tuent, d’autres violent et laissent à l’agonie.

En cas de crime, le procureur de la république peut s’autosaisir et déclencher la poursuite ou pourrait traiter les plaintes avec une rigueur (normalement) irréprochable. Mais pourquoi il me semble que le procureur a oublié son rôle tout comme la société ? Qui pour rétablir le droit ?

Est-il besoin de rappeler aussi l’importance bien que marginale des associations de défense des victimes de viol, qui malgré des restrictions judiciaires à leur constitution en partie civile, sont actuellement l’abri le plus sûr pour les victimes ?

Elles servent à la fois de plateformes d’écoute, de dénonciation et d’accompagnement judiciaire, matériel et psychologique.

La plupart d’entre elles ne peuvent certes pas se constituer partie civile car la condition du minimum d’âge n’est pas atteinte, mais leur impact est transversal, en ce sens qu’elles font bouger les lignes du droit, de la justice (malgré un système judiciaire pourri jusqu’à la moelle épinière). Peut-être que donner plus de pouvoir d’actions aux associations faciliterait la tâche et appuierait d’avantage l’appareil judiciaire.

Monsieur le Président, on viole tellement de nos jours en Guinée, qu’on viole les enfants, on viole dans les camps militaires, on viole dans les écoles, au travail et pour couronner le tout, on viole à l’hôpital, dans les pseudo cliniques privées, des endroits où les victimes sont censées bénéficier de soins et de répit.

Sans pour autant nier le viol des hommes, devant aussi bénéficier des mêmes attentions et rigueurs judiciaires et sociales, les viols des femmes s’intensifient au point que j’affirme humblement que : La Guinée ne serait peut-être plus un abri sûr pour les femmes et fillettes.

Vous vous direz que c’est grave que j’en arrive à le dire ainsi, mais au moment où j’écris ces lignes, je suis désespérée, énervée et abattue.

Vous m’excuserez si mes termes sont crus, mais ils dénotent une réalité, d’une société d’hyper sexualisation à outrance. Rajoutez à cela la culture du viol et vous aurez le cocktail Molotov du Bagdad des violeurs.

Pourtant, la femme n’est pas un trou à enfoncer, mise à la disposition de libidos d’hommes incontrôlées auxquels on aurait donné plein pouvoirs tacite d’en disposer quand, où et comme ils veulent.

La déresponsabilisation sociale et la démission institutionnelle crédibilisent les agissements ignobles des délinquants sexuels dont les listes formelles et informelles dépassent tout ce que l’on peut imaginer.

Mais j’ai espoir que le futur garde des Sceaux soit à la hauteur, afin de crédibiliser et redorer l’image et la légitimité de notre système judiciaire au fond et en la forme. Qu’en matière pénale, les procédures soient observées sans interférence aucune.

En tout cas, qu’en matière de viol, d’ailleurs le sujet de cette lettre, que le récent cas serve d’exemple.

En l’espèce, pour nos médecins violeurs, un procès public, médiatisé, avec les sanctions les plus sévères pour rendre justice à cette femme et à toutes les autres qui n’ont jamais été entendues. Donnons espoir à la lutte et aux gens. Que la peur change de camps. Qu’on ne taise plus jamais ces atrocités.

Il est peut-être temps que la société arrête de trouver une excuse misogyne aux violences sexuelles. Que nos médias se responsabilisent.

Que la conscience sociale se foute des douleurs des victimes est sans doute supportable. Mais son regard ne changera probablement que lorsque, la justice du contrat social, l’appareil judiciaire habilité à fonctionner et à statuer, ne rendront pas des décisions avec l’autorité de la chose jugée, donc de la peine exécutive et dont on s’assure l’effectivité de l’exécution à travers des visites de prisons constantes.

C’est vrai que nos textes de loi pénale ne sont pas les plus claires, ni les plus explicites et satisfaisantes du monde, mais ils prévoient des crimes et délits et leurs sanctions, notamment en matière de viol.

Et si vous nous appuyiez, nous activistes, nous associations, à garantir l’application des textes de loi ?

Pourriez-vous faire pour nous l’injonction de traiter les affaires de violences sexuelles avec beaucoup plus de sérieux ?

Passer le message à notre société et à nos médias qui méprisent la femme au point de penser qu’elle est un champ ouvert à toutes les formes de pillage sexuel ?

Cette même société qui réduit la féminité à un besoin de censure du corps de la femme, alors que la féminité est au-delà de tout cela, Monsieur le Président.

La femme, ce n’est pas qu’un utérus, encore moins un sexe ou une poitrine. La femme, c’est tellement plus. Ce sont des compétences, un besoin d’éducation, d’inclusion, de respect, un besoin d’affirmation, d’existante, d’égalité, d’équité…

Par ailleurs, Monsieur le Président, je propose aujourd’hui, en plus des sanctions prévues pour le violeur, sa castration.

Ce ne sera peut-être pas à vous de le décider, mais je l’écris pour créer ce précédent. Je propose la castration chimique pour les violeurs. Ils auraient leur sexe qui ne leur servirait plus à rien. Ils n’auraient ainsi plus la lourde et difficile responsabilité de contrôler leur libido. Ils n’en n’auraient plus tout simplement.

Pour finir, Monsieur le Président, j’ose espérer que ces mots interpellent votre raison, votre sensibilité humaine, votre dévotion pour la justice et le bien-être du peuple de Guinée, des femmes et des enfants.

Que vous vous manifesterez avec un message qui, non seulement fédérera notre appareil judiciaire autour d’un objectif commun d’impunité, mais aussi l’appel à la nation que nous commençons enfin d’être, d’abandonner les comportements Misogynes et violents contre les femmes.

Fatoumata Kouyaté