Désormais au Rassemblement du peuple de Guinée (RPG arc-en-ciel, l’ancien parti au pouvoir), c’est de la succession au père fondateur qu’il est question. Une bataille qui s’est muée en conflit intergénérationnel.
C’est à croire que les militants du RPG sont devenus très irritables, surtout lorsqu’on aborde le sujet de la succession à Alpha Grimpeur. Lors d’une conférence de stress le 3 novembre au siège du parti, un con()nfrère l’a appris à ses dépens. Pour avoir évoqué l’hypothèse de la candidature de l’ancien ministre des Hydrocarbures Diakaria Koulibaly, qui serait « soutenu par les jeunes », le journaleux a été taxé de corrompu et expulsé de la salle. Le sujet est en effet sensible au sein du parti jaune. « Les militants ont agi en connaissance de cause, on se connaît au sein du parti », justifie un adversaire de Koulibaly. « Je n’ai jamais connu ce journaliste, répond ce dernier. Ce sont des supputations. Ils sont allés jusqu’à dire que ce n’est pas un journaliste. Il s’est avéré qu’il l’est. C’est une réaction irrationnelle. Les gens ne parviennent pas à contenir leur passion face à une question simpliste qui n’a rien de choquant ».
Bataille discrète, mais rude
« La bataille se déroule beaucoup en coulisse, mais elle a lieu. Il n’y a pas mal de candidats déclarés de façon discrète », confie un jeune cadre de l’ancien parti au pouvoir. Parmi les prétendants à la double succession à Alpha Grimpeur –à la tête du parti et du pays, s’affrontent deux groupes. D’un côté, les caciques constitués de Mohamed Diané, l’ancien boss délégué à la Défense, Amadou Damaro Cas-marrant, ancien Prési de l’Hémicycle rectangulaire et l’ancien PM Don Kass. Et de l’autre, les moins vieux : Sanoussy Bantama Show, Ibrahima Khalil Kaba dit Lilou, Diakaria Koulibaly, tous trois anciens ministres. S’y ajoutait un certain Mohamed Nabé, il aurait fini par renoncer au profit de la création d’un nouveau parti politique.
Une option que n’exclut pas Diakaria Koulibaly qui fait face à beaucoup de rivalités au sein du parti. Il est accusé d’excès de générosité envers les militants qu’il tente de rallier à sa cause, grâce à « l’argent du pétrole » qu’il aurait amassé quand il était ministre des Hydrocarbures. « C’est facile de porter des accusations sur quelqu’un, il faut en apporter la preuve. La popularité ne s’achète pas au marché : j’ai vu des candidats distribuer de l’argent pour ne recueillir qu’entre 2 et 7 % des voix. Le jour que je déciderai de faire la politique, je vendrai l’idéologie et non l’argent », se défend-t-il.
Diakaria Koulibaly sera-t-il candidat ? « Les gens émettent le souhait, répond-t-il. Certains jeunes viennent même à la maison, ils me considèrent accessibles et attentifs à leurs problèmes. C’est leur liberté, mais je ne veux pas commenter cela à ce stade ».
Sanoussy Bantama Show se voit quant à lui en successeur naturel de son père spirituel auquel il est resté fidèle jusqu’au bout. Il a pris fait et cause pour Alpha Grimpeur, au point de se faire renvoyer de l’université guinéenne dans les années 1990 pour ses convictions politiques.
« Le dauphin »
Ibrahima Khalil Kaba alias Lilou, ancien ministre des Affaires étrangères, ancien dirlo puis chef de cabinet à la Présidence, a été longtemps perçu comme le dauphin que s’était choisi Alpha Grimpeur. Perception qui lui a valu des inimités : il ne file pas le parfait amour avec Mohamed Diané, Le Petit Bout Kamara, Don Kass Fofana…Technocrate, moins politisé et réservé, Khalil ne cache plus ses ambitions présidentielles. « Ce n’était pas son agenda, confie un proche. Mais il est hors de question de laisser ce pays entre les mains de ces vieux ». « Beaucoup de gens lui demandent de se positionner pour la reprise du parti qui est dans une situation difficile, renchérit un de ses proches. J’ai un apriori positif pour Khalil qui n’a pas été mêlé à des scandales financiers. Ce n’est pas quelqu’un qui semble intéressé par l’argent, en plus d’être un grand travailleur ».
Il peut compter sur certains caciques comme le secrétaire général Saloum Cissé, la coordinatrice nationale Nantou Chérif, l’ancien ministre Tidiane Traoré, mais également sur les jeunes. Ces derniers lui reconnaissent, à l’inverse de Diané, d’avoir soutenu beaucoup d’entre eux pour la poursuite de leurs études à l’étranger. L’autre qualité de l’ancien ministre des Affaires étranges est d’être au-dessus des querelles politico-ethniques.
Renouvellement générationnel
Côté caciques. Si Mohamed Diané peut se prévaloir de sa fidélité historique au parti et à son fondateur, Don Kass de sa loyauté pour avoir dissous son parti Guinée pour tous (GPT) dans le RPG et il peut arguer de l’avantage de se positionner en leader non malinké, Amadou Damaro Cas-marrant n’oublie pas qu’il était à deux doigts de la présidence. N’eût été le putsch du 5 septembre, en cas de vacance du pouvoir, il aurait succédé à Alpha Grimpeur, conformément à l’article 55 de la Constitution dissoute. Hélas…
Sauf que le vent semble tourner en faveur des prétendants plus jeunes. « Les militants ne conçoivent pas qu’un des anciens puissent s’imaginer responsable du RPG, après la gestion qu’ils ont eu à faire et tous les scandales d’enrichissements illicites qui pourraient éventuellement les rattraper », explique un cadre du RPG. Le chef de la junte aurait également lancé aux caciques du parti qu’il a reçus récemment au Palais Mohamed V : « Si vous voulez que ça marche, laissez la place aux jeunes ! Vous avez fait votre temps et trahi le Président ». Laye-M’a-dit Doumbouya ira-t-il jusqu’à introduire une limite d’âge dans la prochaine Constitution ?
Diawo Labboyah