Le 5 septembre 2021, les militaires du Bataillon des Forces Spéciales, sous le commandement du Colonel Mamadi Doumbouya renversent l’autocrate, despote et ségrégationniste Président Alpha Condé qui, une décennie durant, a exacerbé la gabegie et le népotisme. Ce geste héroïque et courageux avait été accueilli favorablement par la grande majorité des Guinéens et par tous les défenseurs des droits humains de par le monde. Cela avait naturellement suscité beaucoup de soulagement et une liesse populaire des Guinéens, toutes ethnies et régions confondues. Malheureusement, l’éclaircie et l’embellie n’auront été que de courte durée. De gros nuages s’amoncellent, commencent à perturber notre quiétude, nous nous demandons si cette transition fera mieux que les précédentes. La météorologie étant enseignée dans les académies militaires, notre CNRD ne devrait pas sous-estimer les nuages. Se souvient-il qu’1 km3 de nuage type Cumulus peut peser jusqu’à 1 million de tonnes ?

Par ailleurs, les nuages qui assombrissent le ciel guinéen sous la transition CNRD ressemblent bel et bien à des Cumulonimbus qui provoquent l’orage, la grêle ou les tempêtes. Pour sûr, ce ne sont pas des Cirrus, ces derniers sont trop hauts dans le ciel, pouvant atteindre 12 km. Prenons garde et n’attendons pas que nos nuages ne deviennent des Stratus, qui en plus d’être gris et bas (à moins de 500m), peuvent masquer les sommets des collines ou des bâtiments élevés, bâtiments élevés qui se comptent sur les doigts de la main en Guinée. En prime, nos Stratus peuvent se transformer en brouillard épais, nous avons l’impression de naviguer à vue…

En langage de “météorologie sociale” probablement plus digeste, nous allons passer en revue ces nuages ou impairs posés par nos « libérateurs » non pour les charger mais pour attirer leur attention sur ce qui pourrait faire voler en éclats tous les sacrifices et risques qu’ils ont pris le 5 septembre 2021. Alerte ! Ne mettez pas en péril notre projet commun : poser les bases de l’avènement d’un Etat de droit :

Absence de communication sur les sujets d’enjeu national. Les citoyens sont souvent surpris par des décisions prises ou des actes posés par le CNRD. A défaut d’être associés à ces prises de décision, les citoyens méritent qu’on leur explique les raisons et motivations des actes posés. S’y méprendre, passe pour mépris,

Décisions unilatérale : La réaction polie, élégante mais ferme du PM Mohamed Béa se passe de commentaire, elle devrait mettre un terme à cette pratique.

– Absence de feuille de route. Silence sur la durée de Transition : Le peuple de Guinée comprend qu’il ne faut pas vous mettre la pression ou vouloir vous imposer des délais farfelus. Sachez toutefois, mon Colonel, que ce même peuple de Guinée ne vous soutiendra pas si vous tentez de dévier de la ligne tracée et des promesses tenues.  

Tergiversations et retard à mettre sur pied le CNT. Par essence, le CN est l’émanation des différentes couches sociales du pays. On s’interroge. Les interprétations vont bon train et convergent vers une volonté de faire trainer la mise en place des instances démocratiques pour gagner du temps. La création mardi 21 décembre 2021, du GFIR (Groupement des Forces d’Intervention Rapide) a été vite faite. C’est dire  que nous avons le savoir-faire pour le “setting up” d’organes et structures !

Jeudi 16 décembre 2021, un décret signé du Colonel Mamadi Doumbouya annonce le changement de nom de l’aéroport international Conakry qui devient désormais l’Aéroport International Ahmed Sékou Touré. Cette nouvelle tombe comme un couperet, tous les Guinéens sont secoués et interpellés. Les partisans et nostalgiques du régime Sékou se réjouissent et jubilent. Les victimes directes ou indirectes des dérives autoritaires meurtrières du premier président sont choquées et révoltées. Le fait que ce soit une décision unilatérale où ni le Gouvernement, ni les citoyens n’ont été associés ajoute à la déroute et à l’incompréhension générales. Ça fait désordre ! C’est déroutant mon Colonel ! Où est passé l’esprit d’équipe, d’unité, de cohésion nationale que vous sembliez vouloir incarner.

La rebaptisation de l’aéroport de Conakry au nom de Ahmed Sékou Touré va à l’encontre de la politique qui vise à lutter contre les dérives autoritaires et l’impunité. Le règne de Sékou Touré, marqué par la dictature des plus féroces que le continent africain ait connue est très récent et les témoins vivants de cette période obscure se comptent encore par centaines de milliers. Les descendants des victimes des purges (au moins 50 000 personnes) sont des centaines milliers et leurs blessures encore fraîches. La restitution des “cases de Bellevue” à la famille de Sékou Touré aurait été amplement suffisante pour les “consoler” ainsi que leurs rares partisans. L’aéroport est un point stratégique et la vitrine d’un pays. Le nom à lui donner doit être un symbole fort qui ne doit pas diviser les citoyens mais plutôt les unir. Il se trouve justement que pour la majorité des Guinéens, ce nom par essence et par nature suscite rejet et hostilité. Au surplus, nous ne comprenons pas l’urgence de cet acte, surtout quand on pense à l’énormité des tâches pour relever ce pays exsangue.

By the way! Depuis quelques jours, la Guinée détient peut-être un record mondial : nombre d’anciens Présidents sur son sol, désormais 3 avec le retour du Général Sékouba Konaté et de Dadis Camara.

Messieurs les Présidents, le seul geste de remerciement et de gratitude au Colonel Doumbouya est de lui dresser la liste d’erreurs à ne pas commettre pour entrer dans l’Histoire par la grande porte.

Arès le maudit 3ème mandat anticonstitutionnel d’Alpha Condé, nous espérons ne pas vivre une 3ème maudite Transition. Pour ce faire, le Colonel Mamadi Doumbouya doit rectifier les tirs, faire en sorte que les nuages s’éloignent, qu’un soleil radieux rayonne sur la Guinée et inspire au-delà.

Par Thierno Ibrahima Barry Américain