Au terme de 16 mois de détention complètement arbitraire et après une dernière semaine en prison malgré son acquittement, le directeur de publication camerounais a été remis en liberté. Reporters sans frontières (RSF) se félicite de cette issue mais craint une nouvelle procédure judiciaire contre le journaliste.
Emmanuel Mbombog Mbog Matip est de nouveau libre. Une première depuis le 17 août 2020, date à laquelle le directeur de publication du journal Climat Social avait été arrêté par six militaires à son domicile. Le journaliste enquêtait alors sur un projet présumé de coup d’État dans le pays et une affaire de vol de voitures de luxe en provenance du Togo. Son arrestation avait été suivie d’une procédure invraisemblable devant le tribunal militaire de Yaoundé. Après 16 mois de détention arbitraire, ce dernier l’a finalement acquitté et ordonné sa mise en liberté immédiate pour “manque de preuves” le 13 décembre dernier.
Pourtant, la décision n’a pas été suivie d’effet et le journaliste a même été transféré vendredi dernier dans une cellule du commissariat central de Yaoundé. Accompagné d’un avocat mandaté par RSF, il a finalement été libéré à la mi-journée ce mardi 20 décembre. RSF craint néanmoins, selon les informations qui lui parviennent, que le journaliste fasse l’objet d’une nouvelle procédure devant un tribunal civil.
“Nous sommes soulagés de voir ce journaliste qui a perdu un an et demi de sa vie retrouver enfin la liberté, déclare le responsable du bureau Afrique de RSF Arnaud Froger. Nous espérons désormais que les autorités camerounaises feront le choix de réparer l’immense préjudice qu’il a subi plutôt que de monter une nouvelle procédure sans aucun fondement contre lui, qui plus est après l’acquittement prononcé par le tribunal militaire.”
Les procédures bâillons contre les journalistes, y compris devant des juridictions d’exception comme les tribunaux militaires, sont fréquentes au Cameroun et le cas d’Emmanuel Matip n’est pas isolé. Le journaliste Amadou Vamoulké est arbitrairement détenu depuis 5 ans et demi. Il s’est déjà présenté 88 fois devant le tribunal criminel spécial (TCS) sans avoir été jugé faute de preuves. Saisie par RSF, l’ONU avait estimé en 2019 que les procédures visant l’ex DG de la CRTV n’avaient “pas de base légale” et que “les violations du droit à un procès équitable étaient “d’une gravité telle qu’elles confèrent à sa détention un caractère arbitraire.”
Le Cameroun a reculé d’une place et occupe désormais la 135e position sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse publié par RSF en 2021.
Reporters Sans Frontières