En Guinée, la gestion des terres occasionne généralement des incompréhensions voire des affrontements. A Hansaghéré-Thialèrè, localité relevant de la sous-préfecture de Hafia, préfecture de Labé, c’est un conflit domanial vieux de près de 50 ans qui vient de resurgir.

Mardi 21 décembre, les habitants de Hansaghéré-Thialèrè se réveillent avec le village plein de gendarmes. Les hôtes impénitents leur disent qu’ils y sont allés pour exécuter un ordre des autorités locales, à savoir : délimiter un vaste domaine que se disputent deux familles : les Djobboyanké de Labé-Dhépéré (Garambé) et les Kanté et Sidibé de Hansaghéré-Thialèrè (Hafia).

La famille de Labé-Dhépéré se base sur une décision de justice rendue en sa faveur en 1984 par la justice de Labé : «Le domaine appartenait à nos grands-parents. Il nous revient donc de droit, nous allons en faire ce que nous voulons, surtout que la justice nous a donnés raison », clame un d’entre eux.

L’autre camp ne l’entend pas de cette oreille, puisque le domaine se trouve chez eux. Les disputes ont donc viré à l’affrontement pendant une bonne partie de la journée. Jets de pierres contre gaz lacrymogène. Une quinzaine de blessés, cinq interpellations, des enclos et des cases incendiés : « C’est un problème d’héritage. Un huissier de justice est venu nous trouver à la mairie avec une décision de justice. Nous ne pouvions pas nous opposer. Nous avons tenté une médiation. Nous avons supplié les populations de Hansaghéré-Thialèrè d’accepter que le domaine soit loti, qu’ils aient leur part, que la mairie ait sa part, pour prévoir des écoles, des hôpitaux, le cimetière… Nous avions pensé qu’ils avaient compris. A notre grande surprise, ils sont revenus nous dire qu’aucun lotissement n’y sera fait. Nous ne pouvions pas empêcher l’exécution d’une décision de justice. Ceux de Labé-Dhépéré sont allés avec les forces de l’ordre, les cadres de l’urbanisme pour mettre les bornes. Dès que les bornes ont été implantées, les autres les ont arrachées. S’en sont suivis des affrontements, des dégâts », explique El Hadj Mamadou Dambata Diallo, maire de la commune rurale de Hafia.

Le maire dénonce une agression physique contre sa personne et contre d’autres conseillers communaux perpétrée par les habitants de Hansaghéré-Thialèrè : «Ils sont venus tomber sur nous, pensant que c’est nous qui avons donné l’ordre aux gendarmes. Ils nous ont enfermés à l’intérieur de la mairie et ont tenté de la brûler. C’est le Préfet de Labé qui a envoyé du renfort pour nous sauver. Le problème nous dépasse ».

Mamadou Moustapha Sidibé conteste cette version : «Ils sont venus brûler une partie de notre village, nous nous sommes plaints. Nous attendions à ce que les autorités viennent régler cela, c’est plutôt des gendarmes que nous avons vus débarquer. Ils nous ont pulvérisés du gaz lacrymogène, blessé les uns, arrêté les autres. Chaque année, c’est la même chose, nos parents ont été emprisonnés plusieurs fois à cause de ce problème. Maintenant, c’est nous. Ce n’est pas parce que le domaine ne nous appartient pas, eux ils nous considèrent comme leurs esclaves. Pour eux, puisque nos parents leur appartenaient, tout ce que nos parents avaient leur appartient aussi. Il n’y a pas autre motif, mais nous nous opposons. Ils ont trouvé nos arrières grands-parents ici. Nous ne nous laisserons pas faire, rien ne peut leur appartenir ici ».

A l’heure actuelle, les cinq personnes interpellées ont été jugées et condamnées à de la prison avec sursis pour entrave à l’exécution d’une décision de justice. Ordre leur a été donné de remettre toutes les bornes arrachées.

Yacine Diallo