307 téléphones et 18 calculatrices ont été broyés le jeudi 23 décembre 2021, sous l’ordre et les yeux de Guillaume 1er, ministre de l’Education nationale et de l’Alphabétisation (MENA). Les appareils ont été saisis lors des examens nationaux, scission 2021, au temps de Pr Bano Barry.

Cette destruction a suscité de vives réactions sur la toile. Dénonçant ce qui est considéré «comme une drôle de manière de révolutionner le système éducatif guinéen et dissuader les éventuels candidats à la fraude lors des examens.» Les internautes ont dénoncé une destruction de biens «alors que l’Etat pouvait les revendre et utiliser l’argent à d’autres fins». Mais, Monsieur Guillaume 1er, «droit dans ses bottes», promet l’enfer à qui tentera de frauder lors de la prochaine session. «Nous allons inspecter les téléphones, vérifier, voir à qui appartiennent les téléphones. Quels sont les réseaux qui sont derrière ces téléphones, les commissions de rédaction WhatsApp. Nous allons inspecter, chercher à savoir qui sont derrière, quels sont les groupes avec lesquels les élèves communiquent. Nous allons chercher à savoir où se situe le mal, d’où vient cette magouille. Nous allons dénicher tous ceux qui sont derrières cette fraude l’année prochaine», insiste le ministre Guillaume 1er.

Quelle base juridique ?

La moralisation du système éducatif est un chantier ouvert sous l’ère Bano Barry.  Ce dernier, au-delà du slogan « Tolérance zéro », avait décidé la saisi des téléphones des candidats dans les salles d’examen. L’ampleur du phénomène avec le nombre d’appareils saisi en 2020 a poussé l’ancien ministre d’introduire les détecteurs des métaux dans le système de contrôle pour la session 2021. Mais quel sort a été réservé aux téléphones saisis en 2020 ? «En 2020, j’avais donné les téléphones saisis aux Services de renseignement qui ont remonté la piste jusqu’à dénicher les acteurs derrière les groupes WhatsApp. Des gens ont été arrêtés et mis en prison. Mais je ne sais pas quel sort a été réservé aux téléphones après. Les téléphones ne m’ont pas été remis. C’est pourquoi cette fois-ci, lorsque les téléphones m’ont été présentés, je me suis dit qu’il y a un vide juridique parce que le Règlement général des examens ne prévoit pas que les téléphones soient rendus aux propriétaires ou détruits. J’ai écrit au ministre de la Justice d’alors pour qu’il m’aide à prendre la bonne décision. Entre temps, il y a eu le coup d’Etat et on est parti. Je ne sais pas si l’actuelle ministre de la justice a répondu à la lettre en autorisant la destruction ou pas des appareils», a expliqué le Pr Bano Barry.

Contacté au téléphone, Sékou Kéita, responsable de communication au ministère de la justice a dit ne pas être capable de savoir, ce week-end, si la ministre a répondu au courrier ou pas. «Madame la ministre est en congé de fin d’année, c’est difficile de la déranger», a-t-il regretté.  

Mais selon un magistrat, le MENA, n’ayant pas de personnalité morale, ne peut pas procéder à la destruction. Il doit saisir l’Agent judiciaire de l’Etat. Ce dernier écrit au président du Tribunal de la juridiction où l’opération doit avoir lieu. Mais avant la destruction on fait l’inventaire des appareils saisis (les marques, les valeurs) pour faire l’état de lieux. La destruction doit être supervisée par un huissier qui en fait le constat et établit un procès-verbal.

Cette procédure a-t-elle été respectée par Guillaume 1er ? Nous avons tenté en vain d’en savoir plus auprès du ministre. «Généralement, le ministre évite la presse. Je ne peux pas non plus te donner son numéro parce qu’il m’en a défendu», a dit un de ses proches. Dans un message, la même source a confié : «J’ai expliqué au ministre, je lui ai donné ton numéro en le laissant le soin de t’appeler.» Au moment où nous allions sous presse, nous attendions encore l’appel du ministre.

Textes caducs

Pr Bano Barry dit avoir constaté que le Règlement général des examens était en déphasage avec la réalité actuelle. «Le Règlement général des examens a été élaboré par Kozo Zoumanigui, quand il était à la tête de ce département. Il est dépassé par la réalité actuelle caractérisée par la présence des Technologies de l’information et la communication dans le processus. Nous l’avons révisé, mais nous n’avons pas eu le temps de le discuter et l’adopter. D’ailleurs, dans le nouveau dispositif, il a été jugé nécessaire de séparer les dispositions concernant le baccalauréat d’avec celles des autres examens», précise-t-il.

Un système bien rodé

Quand on dit que le voleur est plus intelligent que la victime. Le système de fraude mis en place est bien monté. Le Groupe WhatsApp sont gérés par des gens bien organisés, a dit l’ancien ministre Bano Barry. Ils ont instauré une clé d’entrée qui s’élève à 1 000 000 de francs glissants. «L’accès au groupe WhatsApp est conditionné au paiement de ce montant. Le montant ainsi accumulé est utilisé pour recruter des enseignants qui rédigent les textes qui vont être versés dans les groupes à destination des élèves.»

Th Hassane Diallo