«Deux mois après leur arrestation – qualifiée d’“arbitraire’’ par des défenseurs des droits humains – en marge des manifestations contestant, sur le fond et la forme, la victoire d’Alpha Condé à l’élection présidentielle du 18 octobre 2020. Plusieurs centaines de personnes, dont quelques personnalités de l’opposition et des dizaines de Guinéens mineurs, croupissent toujours en prison. Vendredi 8 janvier, ils attendaient toujours d’être entendus par un juge. La réélection d’Alpha Condé pour un troisième mandat, rendue possible par l’adoption à la hussarde d’une nouvelle Constitution, est intervenue au terme d’un processus long de plusieurs mois marqué par des violences meurtrières.» In lemonde.fr du 8 janvier 2021.

C’est ainsi que l’année 2021 commença il y a 365 jours, avec un horizon sombre. La moindre lueur se noyait dans les ilots de sang des compatriotes et les larmes des familles endeuillées. Le quotidien du Guinéen était fait de méfiance, de haine, de peur, de repli sur soi. Alpha Grimpeur avait réussi à s’imposer en maitre absolu, inféoder les appareils législatif et judiciaire, dompter l’armée et l’administration. Il avait maté et ramolli les esprits. Les plus coriaces qui n’avaient pas pris le chemin de l’exil étaient en prison.

Mort et prison comme outil de gouvernance

La mort et la prison ont permis à l’Alpha gouvernance de s’enraciner. Ousmane Gaoual Diallo, aujourd’hui porte-parole du gouvernement de la Transition est des célèbres prisonniers du régime. Ses compagnons d’infortune que sont Ibrahima Chérif Bah, Abdoulaye Bah, Mamadou Cellou Baldé, tous de l’UFDG et Etienne Soropogui, président du mouvement Nos valeurs communes, et lui-même ont passé les trois quarts de 2021 entre l’Hôtel 5 étoile de Coronthie et le CHU d’Ignace Deen, pour soigner des infections contractées dans des conditions carcérales indignes. « Rien n’est fait pour lutter contre la culture de la répression politique qui existe en Guinée », s’inquiétait Kiné-Fatim Diop, chargée de campagne pour l’Afrique de l’Ouest à Amnesty. Roger Bamba, lui, venait de mourir de manque de soin. Détention et fabrication d’armes légères, association de malfaiteurs, trouble à l’ordre public, pillage et destruction, participation à un attroupement, propos incitant à la violence, étaient entre autres chefs d’inculpation concoctés pour maintenir des opposants en prison.

Prison à ciel ouvert

Pendant que plus de 400 personnes croupissent en prison dans la capitale et à l’intérieur du pays (Camp de Soronkoni, Kankan), Alpha Grimpeur, pour maintenir la pression et intimider les opposants et leurs partisans, a fait de Cona-cris une ville carcérale. Le Cid de l’UFR, la P’tite Cellule Dalein et nombre de ses proches ont été empêchés de sortir du pays. Le Cid de l’UFR n’a pu voyager qu’après l’intervention de son ami ADO, Alassane Dramane Ouattara, président ivoirien. Le prési de l’UFDG, lui, a dû rater plusieurs événements auxquels il était officiellement convié par des organismes dont il est membre, notamment l’International Libéral. Hadja Halimatou Dalein, sa douce moitié, a subi le même sort. Fodé Oussou le Faux-fana, l’un des vice-présidents du parti, a été empêché d’aller soigner ses yeux. C’était la façon pour le régime du grimpeur de répondre à ses opposants. « Qui te pique aux fesses, pique-le aux yeux. Il t’empêche de t’asseoir tu l’empêche de voir. »

Un statu quo pesant

Cette situation va perdurer plusieurs mois. Au point que les Guinéens s’en accommodaient. Certains prisonniers politiques, en désespoir de cause, avaient commencé à négocier leur libération. Les membres du FNDC qui n’étaient pas en prison, tel que Oumar Sylla alias Foniké Mangué, avaient pris le chemin de l’exil, pour sauver leur tête et le reste du mouvement. Alpha Grimpeur ne voulait faire aucune rémission à l’opposition, qu’il accuse de l’avoir empêché de gouverner dix ans durant. Il était prêt à tout pour faire de son sextennat un mandat paisible, quitte à achever la démocratie, déjà suffisamment laminée par sa « gourmandise » politique.

Pendant ce temps, l’Assemblée nationale, présidée par Amadou Damaronron Camara et composée de 84 dépités du RPG Arc-en-ciel (parti au pouvoir alors) sur les 114, exerçait au compte de la 9ème législature. Sans les ténors de l’opposition qui avaient boycotté les législatives couplées au référendum en mars 2020. Les quelques voix discordantes, parmi lesquelles Mamadou le Baadikko de l’UFD, étaient minoritaires et ne sont jamais parvenues à recaler un texte. La loi des finances rectificative adoptée le 2 septembre en fait foi. Cette loi consacrait une augmentation des budgets de l’Assemblée nationale et de la Présidence de la République que le gouvernement Don-Kass avait du mal à faire passer au sein de l’opinion.

Et vint le 5 septembre !

Dans la matinée du 5 septembre, ont été anéanties les envies d’un homme et son clan. Celles de s’éterniser au pouvoir, en maîtres incontestés. Ce jour, le Colonel Laye M-a-dit Doumbouya, à la tête du Groupement des Forces spéciales, a renversé le pouvoir Grimpant d’Alpha et fait de celui-ci un prisonnier, exposé à ceux qui avaient, dix ans durant, vécu le martyr de son pouvoir sans compassion.

Des liesses populaires ont accueilli la junte qui, en quête de légitimité, distille des propos rassurants et actes symboliques qui ont contribué à apaiser la situation, soigner des blessures et redonner espoir aux Guinéens : libération des opposants politiques, visite des lieux symboliques (cimetière de Bambéto, mausolée de la Camayenne, la tombe du Général Fory Coco à Bouramaya), la visite rendue à Hadja André Touré, veuve de Sékou Tyran ; la suppression des barrages et le démantèlement des PA (Postes avancés) sur l’Axe Hamdallaye-Kagbélin, installés par le régime pour « prétendument » lutter contre l’insécurité.

Depuis, la junte au pouvoir a servi aux Guinéens une Charte de la Transition, un premier ministre à la tête d’un gouvernement civil composé des hommes et femmes « nouveaux ». Plus 8000 cadres civils et militaires ont été envoyés à la retraite. Dans le même sillage, le Premier ministre Mohamed Béavogui a présenté la feuille de route de la Transition en cinq axes. Avec pour objectif « bâtir des institutions démocratiques solides, légitimes et crédibles qui résisteront au temps et à la tentation des hommes… » Il y a eu aussi le retour au pays d’El Dadis et El Tigre, anciens prési de la Transition de 2008-2010, après plus de 10 ans d’exil.

Si jusqu’ici la question de la durée de la transition suscite des interrogations et inquiétudes, les Guinéens d’ici et d’ailleurs ont pu respirer un air nouveau ces derniers mois. Le souhait qu’on formule est que Dieu inspire le Colonel Doum-bouillant, pour qu’il nous éloigne des incertitudes qui planent.

Bon’ané 2022 à tous !

Th Hassane Diallo