Tous les observateurs avisés sont conscients des limites et du laxisme de la CEDEAO quand il s’agit de défendre les principes démocratiques, de promouvoir la bonne gouvernance et d’œuvrer à la tenue de bonnes élections. Les tripatouillages de constitutions pour se maintenir au pouvoir sont considérés comme des anti- constitutionnels de gouvernement au même que la prise du pouvoir par les armes. Mais la CEDEAO ne s’en est jamais préoccupée.
Cela étant dit, faut-il jeter le bébé avec l’eau du bain? Ce n’est pas parce que la CEDEAO ne répond pas forcément aux aspirations des populations en terme de démocratie qu’il faut la clouer au pilori quand elle se dresse contre une junte militaire qui, sous prétexte d’une «refondation de l’État» ou d’une «rectification institutionnelle» notions pour le moins floues, cherche astucieusement à se maintenir au pouvoir qu’il a conquis en utilisant des armes. La CEDEAO n’est pas du tout exempte de critiques en raison de son indolence face au recul de plus en plus marqué de la démocratie dans l’espace communautaire. Mais il n’est pas non plus prudent de donner un blanc-seing à des militaires aux motivations peu lisibles dans bien des cas.
Une transition qui irait au-delà de trois ans est totalement contre-productive et créerait plus de problèmes qu’elle n’en résoudrait. Il suffit qu’une junte militaire s’occupe de l’essentiel au cours d’une transition pour que celle-ci atteigne ses objectifs et favorise le retour à l’ordre constitutionnel. Jusqu’à trois ans au plus, on peut tolérer l’exercice du pouvoir par des putschistes. Au-delà, il y a des risques que «les rectificateurs» soient «rectifiés» à leur tour y compris par les moyens de rectification dont ils ont eux-mêmes usés. Et de rectification en rectification, on plonge le pays dans une situation d’éternel recommencement.
Me Mohamed Traoré, ancien Bâtonnier