«De la nécessité d’une commission vérité, justice, réconciliation et réparation». Tel est le thème d’une conférence de presse animée lundi 24 janvier à la Maison de la Presse à Conakry par l’Association des victimes des Camps Boiro (AVCB). En prélude à la commémoration du 25 janvier 1971, date à laquelle plus de 80 hauts cadres guinéens, fonctionnaires, hommes d’affaires et militaires ont été tués par le régime de Sékou Touré, au pouvoir de 1958 à 1984.
Me Alfred Mathos, membre de l’AVCB indique que la réconciliation doit se tenir, pour que soit tournée définitivement la page. « En tant qu’association des victimes du Camp Boiro, nous ne prenons pas seuls notre croix, nous avons aussi le slogan ‘’Plus jamais ça’’, comme le dit les Juifs. L’AVCB, dans son devoir de mémoire et dans ses activités concrètes, a essayé d’établir un chronogramme, une démarche pour que la mémoire collective ne puisse se perdre avec le temps. L’histoire de la Guinée a prouvé qu’il y a eu des tueries. Des femmes ont été envoyées à des lieux inconnus », explique-t-il, avant d’ajouter que le devoir de mémoire se solde par des actes. « Ce qui est dommage, c’est que les vestiges du camp carcérale-Camp Boiro (de la tête de mort) n’existe plus, mais les historiens pourront les reconstituer », a renchéri Me Alfred Mathos.
Selon lui, ce devoir de mémoire nous interpelle tous. « L’appel que nous lançons à cette transition est une rupture institutionnelle, parce que rien n’a marché d’abord, mais tout le monde parle de l’alternance, mais le contenu d’une alternance sont les fondamentaux de la démocratie. Les balises pour que l’alternance se fasse, il faudrait que les hommes et les femmes qui doivent avoir le devoir d’intégrer ses fondamentaux l’appliquent dans la probité la plus profonde ».
Rebaptisation de l’Aéroport, l’AVCB compte saisir la Cour suprême
Parlant de la rebaptisation de Conakry Gbessia en Aéroport Ahmed Sékou Touré et la restitution des cases de Bellevue à la famille de l’ancien président, l’AVCB est très amère. « Ils sont venus avec une charte qu’ils sont en train de dérouler. Mais, ils posent des actes qui divisent et qui, dans la durée, peuvent s’interrompre. Je pense que c’est une erreur de casting. Quant à la restitution des cases Bellevue, si légalement, dans la réparation, les biens spoliés doivent être restitués, en tant qu’ancien émissaire de l’Etat, il y a ce qu’on appelle en droit foncier, l’origine de la propriété. La famille de Sékou Touré a intérêt à se prémunir des actes de propriété adéquats pour que cette restitution soit déterminante. Nous irons en recours contentieux, pour attaquer cet acte au niveau de la Cour Suprême, parce que c’est un message consacré à l’impunité. Voilà un homme qui, lors de son régime, avait procédé à des tortures et a occasionné plein d’impunités. Le colonel Mamadi Doumbouya a posé cet acte que nous considérons comme une erreur. C’est pourquoi, nous privilégions les procédures administratives », déclare Boubacar Barry de l’AVCB, ancien ministre.
La commémoration du 25 janvier délocalisée
Le 25 janvier, l’AVCB devait déposer une gerbe de fleur sur le Pont 8 novembre, à l’entrée de Kaloum, en hommage aux victimes des pendaisons publiques du 25 janvier 1971 à travers la Guinée. Les membres devraient ensuite marcher jusqu’au Camp Boiro, pour y organiser une cérémonie de lecture du saint coran à la mémoire des victimes des répressions sous Sékou Touré. Faute d’avoir eu une réponse des autorités de la transition, les membres de l’AVCB ont dû délocaliser les deux rencontres au domicile de feu Diallo Telli, premier secrétaire générale de l’OUA aujourd’hui UA, mort dans les geôles du Camp Boiro baptisé Camp Camayenne sous la junte du CNDD 2008-2010. Selon l’AVCB, ils ne veulent pas « défier » le pouvoir du CNRD.
Kadiatou Diallo