Les médias publics et privés ont été conviés, vendredi 7 janvier, au Palais Mohamed V, par le colonel Doum-bouillant, à un banquet spécial : ni micros ni caméras, sauf pour ceux de la Télé-bidon nationale. L’hôte et ses invités de marque (déposée) en ont profité pour s’échanger les bœufs, que dis-je, les vœux de nouvel an.
Côté journaleux, les vœux pour 2022 se résument à : rehausser la subvention annuelle accordée aux médias privés pour la faire passer de deux milliards à au moins quinze milliards de francs glissants, soit environ à un milliard de francs CFA comme l’a fait Assimi Goïta au Mali ; construire une maison de la presse (l’actuelle est louée) digne de nom ; baisse des redevances annuelles payées par l’audiovisuel ; dégel « total » des comptes bancaires de Djoma médias ; libre accès aux activités de la présidence et du gouvernement ; garantir la sécurité des journalistes ; promouvoir les compétences et équiper les médias publics. (Excusez du peu !)
Le chapelet de doléances a été égrené par les présidents des associations de presse : Aboubacar Cas-marrant de l’Union des radios et télévisions libres de Guinée (Urtelgui), Amadou Tham-tam Camara de l’Aguipel (Association guinéenne de la presse en ligne) et Alpha Ablo Diallo de l’Agepi (Association guinéenne des éditeurs de la presse indépendante). «Je fais miennes toutes les doléances présentées par mes confrères, dans la mesure du possible», a appuyé Bouba Yacine Diallo, la bosse de la Haute autorité des cancans (HAC). «Tous ceux qui sont réunis ici sont fiers de vous», a prétendu le Prési de l’Agepi, sans autre forme de consultation. «Les critiques sont constructives, a-t-il ajouté. Notre vœu est que le colonel Doumbouya soit notre Jerry Rawlings, la solution pour l’instauration d’une véritable démocratie et contre d’autres coups d’Etat». Vœu moins contestable. «On dit souvent que les journalistes n’applaudissent pas. Nous vous applaudirons demain, lorsque vous remettrez le pouvoir à un président librement élu par les Guinéens», a insisté Alpha Ablo Diallo qui a failli s’éterniser au pupitre.
Vœux (déjà) exaucés ?
«J’ai entendu vos requêtes. J’instruirai le Premier ministre d’y apporter des réponses», a répondu le colonel Mamadi Doum-bouillant. D’ores et déjà, il a promis que «la subvention sera revue à la hausse dans la loi des finances rectificative. Un allègement de vos redevances sera fait et une priorité sera accordée à la construction d’une maison de la presse. Ce sera sans doute un des chantiers de la Transition. Je veux que chaque Guinéen vive de son travail».
En retour, le locataire du Palais Mohamed V a présenté ses vœux à ses hôtes. «Vous êtes des acteurs majeurs de la transition, votre rôle est important durant cette période, a-t-il rappelé. J’attends de vous des informations traitées et responsables pour promouvoir la paix, la réconciliation et le pardon dans notre pays. Certes critiquer objectivement, c’est aider à s’améliorer. Mais je vous exhorte aussi à donner de la visibilité aux actes qui permettent d’améliorer les conditions de vie des Guinéens. La communauté internationale a besoin de savoir qu’il y a également des belles choses qui se passent chez nous». Et de marteler : «Je vous garantis la liberté d’expression dans les limites déterminées par la loi. Oui à la liberté, non au désordre !»
Déjeuner sous bottes surveillance
En guise d’assurance, Bouba Yacine Diallo de la HAC a annoncé la tenue imminente d’un atelier de validation d’un code de bonne conduite «librement élaboré» par les journaleux, pour bien se conduire. D’autres oratrices : la ministre de la Com, Rose Pola Pricémou et celle des Télé-complications, Aminata Kaba. Toutes deux entouraient, avec le colonel Amara Cas-marrant et Djiba Diakité, respectivement ministre secrétaire gênant et ministre directeur de cabinet à la Présidence, le colonel Doum-bouillant durant le banquet. Après la bouffe, le chef a fait le tour des tables, papotant avec ses hôtes de marque (déposée) accourus au festin, toutefois moins nombreux que les bidasses qui veillaient au grain, armes au poing. Un déjeuner sous bottes surveillance !
Diawo Labboyah