Garants de l’intégrité territoriale de leurs pays, les bidasses invoquent généralement des raisons sécuritaires pour justifier les putschs en Afrique de l’Ouest. C’est à croire que les palais présidentiels sont devenus le refuge des terroristes qu’il faut déloger. 

Les kamikazes, les colis piégés ou autres attaques djihadistes avaient lieu jusque-là loin des palais présidentiels feutrés. Les victimes étaient généralement les citoyens lambda, qui ne sont pas auteurs des décisions ou politiques publiques combattues par les terroristes. Mais depuis un moment, la terreur a forcé les cordons sécuritaires de certaines présidences ouest-africaines : au Mali, en Guinée et au Burkina Faso.

Partout, c’est l’alibi sécuritaire, terroriste qui est avancé pour justifier la prise du pouvoir par les armes, à l’exception de la Guinée, qui ne fait pas face au fléau. « Le Mali se trouve dans une situation de crise socio-politique, sécuritaire. Nous, en faisant cette intervention hier, avons mis le pays au-dessus [de tout]. Le Mali d’abord », s’était justifiée la junte dirigée par le colonel Assimi Goïta au lendemain de la chute d’IBK, le 18 août 2020. « Nous ne tenons pas au pouvoir, mais nous tenons à la stabilité du pays, qui nous permettra d’organiser dans des délais raisonnables des élections générales pour permettre au Mali de se doter d’institutions fortes », assurait son porte-voix, le colonel-major Ismaël Wagué.

Au Burkina Faso, trois jours après avoir renversé Roch Marc Christian Kaboré, le nouvel homme fort s’est exprimé pour la première fois, le 27 janvier, depuis le palais présidentiel de Kosyam. « La priorité principale demeure la sécurité », a d’entrée (également) déclaré le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba. « Il nous faut en effet, réduire significativement les zones sous influence terroriste et les impacts de l’extrémisme violent en redonnant aux Forces de défense et de sécurité ainsi qu’aux Volontaires pour la défense de la patrie, la volonté de combattre et d’aller encore plus à l’offensive avec des moyens adéquats. Ceci est un préalable indispensable au retour progressif de l’administration publique et à la réinstallation des personnes déplacées internes dans leurs villages d’origine », a-t-il insisté. L’ancien président n’était, décidément, pas assez volontariste. Même pour légitimer la dynastie Déby au Tchad, on a dû invoquer la rébellion qui a fini par emporter le père.

Plus forts au pouvoir qu’au front ?

L’armée est le garant de l’intégrité territoriale d’un Etat. Les pays qui, comme le Mali ou le Burkina font face à l’invasion terroriste, sont appuyés même par des forces africaines et étrangères pour reconquérir leur souveraineté ou garantir la sécurité nationale. Sans, malgré tout, parvenir à bout de l’hydre terroriste. Comment comprendre ainsi, qu’aux yeux des bidasses putschistes, la solution soit de détourner l’offensive contre les terroristes vers les palais présidentiels ? En 2012 au Mali, la bande à Amadou Haya Sanogo avait justifié le renversement de feu Amadou Toumani Touré par « l’incapacité du gouvernement à donner aux forces armées les moyens nécessaires de défendre l’intégrité du territoire national ». Une décennie après, la détérioration de la situation sécuritaire du pays a plutôt empiré. Comparativement à aujourd’hui, le pays se portait nettement mieux.

Au Burkina, Roc n’était pas assez solide pour faire face au terrorisme également, accusent ses tombeurs. Ce sentiment d’incapacité a davantage gagné l’opinion et la grande muette après l’attaque d’Inata qui a fait 53 morts (49 gendarmes et quatre civils), le 14 novembre 2021.

Néanmoins, les chefs d’Etat civils seraient-ils incompétents pour combattre le terrorisme ? En prenant le pouvoir, les militaires espèrent-ils disposer de tous les leviers et équipements indispensables à leur mission ? « Nous ne comprenons pas que des chefs militaires qui ont échoué sur le terrain de la guerre, prennent le pouvoir politique et au nom d’un patriotisme frelaté, font appel à des mercenaires pour défendre l’intégrité de leur territoire. Je ne sais pas ce que ça veut dire, et pourtant, ils prétendent être des patriotes », a taclé le ministre nigérien des Affres étranges, Hassoumi Massaoudou, lors d’une conférence de presse conjointe avec son homologue français Jean-Yves Le Truand, le 27 janvier à Paris.

Diawo Labboyah