Le 21 janvier, dans la salle de réunion du ministère des Affaires étrangères à Kaloum, les membres de la CRIEF (Cour de Répression des Infractions Economiques et Financières)  ont été officiellement installés dans leur fonction devant le Premier ministre, Mohamed Béat. Au nombre de 19, les magistrats de cette Cour auront la lourde tâche de juger les crimes  économiques commis.

Pour Dame Irène Marie Hadjimalis, la Secrétaire générale du mystère de la Justice, ce vendredi 21 janvier 2022 restera une date mémorable dans l’histoire de la lutte contre la pauvreté, de l’édification d’un Etat de droit fondé sur la bonne gouvernance, la transparence de la gestion vertueuse et de la démocratie. «Cinq ans après l’adoption de la loi portant Prévention, détection et répression de la corruption et des infractions assimilées, la République de Guinée se dote d’un nouvel instrument juridictionnel efficace de lutte contre l’impunité», a-t-elle rappelé.

Du rôle de la CRIEF

Yaya Kaïraba Kaba, l’Inspecteur général des services judiciaires, s’est réjoui de la création de la CRIEF, point de départ de la lutte contre les fossoyeurs de l’économie nationale. Avant de citer quelques articles qui mentionnent le rôle de cette institution. « Cet acte fondateur de la CRIEF précise sans ambiguïté à l’alinéa 3 de l’article 1er: Au sens de la présente ordonnance, constituent des infractions économiques ou financières, celles relatives aux finances des personnes morales de droit public, celles dont la réalisation est susceptible d’affecter négativement l’ordre public économique, celles qui constituent une atteinte grave et massive à la santé publique et à l’environnement et celles définies à l’acte uniforme de l’OHADA, relatif aux sociétés commerciales et groupements d’intérêt économique. Quant aux articles 5 et 6, ils énumèrent une panoplie d’infractions économiques ou financières allant de détournement commis par les agents publics, jusqu’aux délits d’initié et des règlements des infractions sur des maisons des jeunes».  Selon lui, les membres de la CRIEF sont désormais  investis d’une mission à la fois exaltante fondée sur l’espoir placé en eux par le peuple de Guinée.

Noël Kolomou, président de la CRIEF a indiqué que  la création de cette institution répond à un principe démocratique, celui de la recevabilité. C’est-à-dire que tout citoyen qui exerce une portion du pouvoir du peuple ou gère des biens publics doit rendre compte à ce même peuple. «Si ce devoir incombe à tout gestionnaire, il convient de préciser que cette cour ne sera nullement une tribune de règlement de comptes politiques. Il sera toutefois et c’est sa vocation première, juste et impartiale et un puissant moyen de la moralisation de la gestion de la finance publique ». Le président de la CRIEF a rappelé que dans un passé récent, des voix autorisées à des occasions parfois solennelles ont évoqué en des termes chiffrés, les conséquences  catastrophique du fléau de la corruption sur le niveau de vie de la population. «La mise en place de la CRIEF sera alors l’occasion d’apporter une thérapie efficace à cette gangrène qui n’a que trop handicapé le développement économique de notre cher pays. Je voudrais affirmer ici devant tous que mon équipe et moi travaillerons avec détermination, courage et opiniâtreté mais dans la légalité contre la délinquance économique et financière». Noël Kolomou a appelé les membres de sa cour à être soudés et prêts à aller au front pour un combat patriotique sans merci contre les fossoyeurs de notre économie nationale. « Je vous invite également au courage contre les tentatives d’intimidations, voire de menace de tout genre, par moments. Le prix à payer sera élevé, mais nous ne devons jamais oublier le privilège que constitue aujourd’hui la possibilité pour chacun de nous d’écrire une nouvelle page de l’histoire judiciaire de la République de Guinée. La tâche s’annonce longue et exigera de chacun de nous de la persévérance, une loyauté sans faille à notre sacerdoce de magistrat mais surtout une volonté ferme à résister à toutes les tentatives malsaines de la compromission  qui ne manqueront surement pas».

Punir les fossoyeurs de l’économie

Mohamed Béavogui, Premier ministre estime que la mise en place de la CRIEF est un jalon important pour le processus de refondation du pays. Et la responsabilité qui incombe aux magistrats est énorme. «C’est vrai, la Guinée nous regarde, le monde nous regarde. Votre rôle est d’autant plus important qu’il s’agisse de celui de la justice, la justice impartiale, la justice éducative et la justice de l’apprentissage pour tous. La justice de la répression parce qu’il faut punir les fossoyeurs de l’économie. L’éducation, parce qu’il faut que tout le monde apprenne  que le bien public est un bien commun et que ceux qui en ont la responsabilité doivent en prendre soin correctement et conformément aux lois et principes en vigueur. Et enfin, ce que vous allez faire, nous devons apprendre pour améliorer le système, améliorer les approches, améliorer l’éthique, améliorer notre comportement. C’est pourquoi, vous êtes extrêmement importants». Le Premier ministre ne doute pas que le pays soit riche, parce que selon lui, la Guinée a généré l’année dernière 4 milliards de dollars de chiffres d’affaires dans la bauxite, elle a fait 2 milliards de dollars de recettes. Mais aujourd’hui, elle finit l’année 2021 avec près de 5 000 milliards d’arriérés. Et se demande où est passé l’argent. Puisque l’argent n’a  pas été investi dans la construction des écoles, ni dans les hôpitaux, ni dans nos routes, ni au profit des plus démunis, encore moins dans d’autres  infrastructures. «Nous devons changer cela. C’est pourquoi, votre rôle est important. Il faut que l’argent aille là où il doit aller, au service du peuple de Guinée, au service de la nation. Nous avons passé les trois premiers mois à comprendre. Nous n’avons peut-être pas tout compris. Mais nous avons compris que vous la CRIEF, vous êtes importants. D’autres instruments suivront, les moyens seront mis à votre disposition. Nous essayerons de redresser autant que faire se peut.  Mettre les bases  pour que la transition laisse à ce pays ce qu’il faut pour qu’il avance. Pour cela,  il faut mettre les bases.» Vaste programme !

Ibn Adama