Manéah, à l’entrée de Conakry, la bourgade aux roches granitiques, il en provient bonne part des pierres du bâtiment à Conakry et au-delà.
Fatoumata Camara, mère de famille, gagne sa vie dans l’une des trois carrières de granites de la localité. A l’autre bout d’un vaste espace rocheux, elle a son petit hangar, où elle passe la journée à réduire des pierres en gravier, à l’aide de moyens rudimentaires. Pour elle, ce métier de concassage est un rempart contre la mendicité et la fainéantise. Mieux, c’est la source de bonheur dans sa famille. «J’exerce ce métier pour gagner ma vie. Mon époux ne travaille pas. Depuis que je suis mariée, je travaille dans cette carrière. Grâce à ce travail, j’habille mes enfants, je paie leur scolarité et leurs soins de santé. Il faut être adurant et les risque d’accidents sont énormes, mais je parviens à satisfaire mes enfants et mon mari.»
Sous un soleil ardent, en une journée, Fatoumata peut concasser plusieurs mètres cube de granites. La chaîne de vente est complexe. Pour écouler ses tas de graviers, elle doit batailler dur pour le prix, les clients ne sont pas des tendres. Elle propose son prix, 40 000 francs guinéens, le tas, les intermédiaires lui donnent entre 25 000 et 30 000.
Elles sont nombreuses dans ce métier. Des femmes de courage et de détermination forcent respect et admiration dans ce milieu d’hommes. «Les femmes sont bien organisées dans cette carrière. Elles ont mis en place une tontine pour régler le problème de cash. Si l’une d’elles a un gros tas de pierres à concasser, elles se mobilisent pour l’aider la journée. Il peut survenir des malentendus entre les femmes et les jeunes clients, je suis le responsable de la carrière, nous nous interposons pour régler les différends», témoigne le doyen Soumah.
Dureté du métier, sous équipement, risques sanitaires, rien n’y fait, déterminées on ne peut plus, les femmes voient la carrière comme un moyen d’autonomisation. Car, insistent-elles, il n’y pas de sot métier. «Nous faisons ce travail pour ne pas être à la merci des hommes. Il y a des femmes qui attendent tout des hommes. Ce n’est pas normal. La femme doit vivre de la sueur de son travail. Il n’y a pas de sot métier. L’essentiel, c’est de vivre dignement. Il faut que les femmes cessent de courir derrière les hommes qui, quelque fois, n’ont aucune une considération pour elles ou les maltraitent.»
Au-delà de la recherche du gain quotidien, la carrière est aussi un lieu de socialisation pour ces femmes, c’est l’occasion de discuter de leurs préoccupations et problèmes du moment.
Quand le soleil est au zénith, Fatoumata Camara fait une pause, elle repart à la maison, pour les travaux ménagers. Entre collecte d’eau et préparation du repas, le reste de la journée pour Fatoumata ne fait que commencer.
Comme pour les autres concasseuses de pierres, le quotidien de Fatoumata Camara, cette routine d’endurance, se partage entre le foyer et la carrière de granite. Ce n’est pas la joie.
Asmaou Barry