Ibrahima Manguê Camara est l’un de ces jeunes qui essayent de changer le monde à leur petite échelle. Depuis cinq ans, il s’investit dans la lutte contre le réchauffement climatique en s’attaquant à deux enjeux majeurs de protection de l’environnement. L’insalubrité et la coupe du bois. Il se dit révolté contre la coupe abusive du bois. Sachant qu’en Guinée la cause principale de la déforestation, c’est la transformation du bois en charbon pour la cuisine, il a trouvé une alternative : le charbon, à base de papier. Le déclic est venu d’une superstition. D’une idée reçue, le charbon de bois ne doit pas être vendu la nuit. «Les soirs, il arrivait qu’on n’ait pas de charbon pour réchauffer le dîner. Les vendeuses refusaient de nous en vendre et les voisines n’en donnaient pas non plus. Je me suis dit qu’il faut produire un charbon qui pourrait être vendu à tout moment. En y pensant, je me suis dit que le papier étant un dérivé du bois, qu’il peut être transformé en charbon. J’ai fait les premiers échantillons en 2017 que je remettais à ma sœur, pour tester. Après chaque utilisation, elle fait des remarques notamment sur la fumée que ça dégage, le temps de consumation, la quantité du charbon par cuisson, etc. C’est ainsi que j’ai amélioré jusqu’à obtenir un résultat satisfaisant, puis j’ai commencé à commercialiser.»
Depuis, Ibrahima Mangué s’est fait une notoriété auprès de gargotières du quartier, qui sont devenues ses principales clientes. Elles ont trouvé avantageux d’utiliser ce charbon qui ne leur salit pas les mains.
Face à une demande qui devient de plus en plus récurrente, l’innovateur ne parvient pas à satisfaire sa clientèle, car selon un procédé artisanal de quelques jours (tremper les papiers, puis les malaxer avec de l’argile), Ibrahima ne peut mettre en moule que 500 briquettes de charbon par jour, soit 40kg de pâte de papier. Cela, bien qu’il soit épaulé par des jeunes membres de son Association des Jeunes Environnementalistes dénommé «Youth Mouvement», pour collecter les papiers dans les kiosques de loterie, les écoles, et pour transporter l’argile de la mer à l’atelier.
Toutefois, cette difficulté ne lui fait pas perdre de vue son ambition première : celle de réduire la dépendance des ménages du charbon de bois et au bois de chauffe. Il souhaite vulgariser la technique de fabrication du charbon de papier dans tout le pays, voire dans la sous-région. «Pour cela, il me faut acquérir d’outils adéquats, pour passer du travail artisanal au semi mécanique. En faisant des recherches sur Internet, j’ai vu une machine à moule qui coûte 5 500 euros, mais qui peut produire des milliers de briquettes par heure. En plus, j’aurai besoin de moyens de déplacement pour transporter l’argile et les papiers collectés.»
Ibrahima Menguê est donc à la recherche de bailleurs et/ou d’actionnaires, pour développer cette initiative qui pourrait contribuer à la mise en œuvre des engagements internationaux de la Guinée, contre le réchauffement climatique.
Asmaou Barry