Pour forcer le colonel Assimi Goïta et la junte au pouvoir de rendre rapidement le pouvoir à un civil, la Communauté économique des Etat d’Afrique de l’Ouest, CEDEAO, a lourdement sanctionné le Mali. Gel des avoirs à l’étranger, privation de voyage pour les putschistes, surtout fermetures des frontières entre le Mali et les autres pays membres de la CEDEAO. La Guinée, suspendue aussi des instances de l’Organisation sous régionale depuis le coup de force du 5 septembre, n’a pas voulu s’associer à ces mesures et l’a vite fait savoir à la CEDEAO. Le colonel Assimi Goïta a alors dépêché une délégation à Conakry pour une visite de travail, le 17 janvier. Objectifs, témoigner au colonel Mamadi Doumbouya la reconnaissance du «peuple malien.» La délégation était conduite par Abdoulaye Diop, ministre malien des Affaires étrangères : «Le message du Président Goïta a trait essentiellement aux relations amicales et fraternelles entre les deux pays, mais surtout de venir témoigner la reconnaissance du peuple malien à l’endroit de celui guinéen. Deux peuples unis par l’histoire, par la géographie. Comme un ancien Président l’avait rappelé : « Il s’agit de deux poumons d’un même corps ». Il s’agissait aussi de venir témoigner la reconnaissance et la marque de solidarité qui ont été réitérés à l’endroit de notre pays qui s’inscrivent en droite ligne des relations qui ont toujours unis nos deux pays et nos deux peuples ». Selon le chef de la délégation malienne, en dehors de l’échange d’informations sur le processus de transition au Mali, les discussions ont aussi porté sur « la libre circulation des personnes et des biens entre nos deux pays, sur la redynamisation des différents cadres de coopération qui existent entre nos deux pays, notamment la grande Commission mixte de coopération entre la Guinée et le Mali. Nous avons aujourd’hui l’ambition d’élever nos relations au rang de partenariat stratégique durable entre nos deux pays, pour pouvoir travailler à des projets structurants ».
Dans les sanctions prises contre le Mali par la CEDEAO, celle qui pourrait le plus impacter est la fermeture des frontières terrestre, aérienne et maritime. Le Mali n’étant pas un pays côtier, il était obligé de se ravitailler via les ports d’Abidjan et de Dakar. Là, il se voit obligé de se tourner vers le Port autonome de Conakry : « A la date d’aujourd’hui, 70 % du trafic du Mali passe par le Sénégal, 20% par la Côte d’Ivoire et les autres 10% sont partagés entre cinq pays : Mauritanie, Guinée, Ghana, Togo et Bénin. La Guinée a 2 ou 3% du fret maline que nous souhaitons rehausser à 15, voire 20% dans les jours à venir», explique Youssouf Batchily, président de la Chambre de commerce du Mali, membre de la délégation. Il estime que le Port de Conakry pourrait devenir une destination privilégiée des Maliens si les deux pays unissent leurs forces : «Les échanges commerciaux entre le Mali et le Sénégal tournent autour de 700 milliards de CFA par an. Pour la Guinée, les 3% représentent quelques milliards de francs CFA que nous pouvons inverser très rapidement, si nous mettons des actions en place pour renforcer les infrastructures qui soutiennent les activités économiques et le trafic. Il n’y a pas de raison que d’ici quelques années, la Guinée ne devienne pas deuxième ou même premier. L’avantage du port de Conakry est d’être le plus proche de Bamako. Après la réalisation de la nouvelle route, il sera à 700 km de Bamako, contre 1 200, 1 400, voire même 2 000 km des autres ports par lesquels nous passons. C’est l’avantage comparatif à faire. En terme de coût et délai, il n’y pas de raison que le trafic ne va pas basculer vers la Guinée ».
Yacine Diallo