La procédure judiciaire qui oppose Aboubacar Fabou Camara, Mohamed Lamine Simakan à Ibrahima Diallo et Sékou Koundouno, deux des ténors du FNDC, est mis en stand-by, en attendant que le premier président de la Cour d’appel se prononce sur la demande de récusation faite par le parquet général de cette Cour. Mais les deux officiers de police judiciaire sont loin de se tirer d’affaire. Le procès les opposant à Oumar Sylla alias Foniké Menguè, néo coordinateur du FNDC s’est ouvert ce 14 février à la Cour d’appel de Conakry.

Foniké Menguè accuse l’ancien Directeur central de la police judiciaire et le directeur de la BRI : «d’Arrestation arbitraire, de dénonciation calomnieuse, de menaces, de violence et d’injures ». Ces infractions résultent, selon le plaignant, de sa première arrestation à son domicile, le 17 avril 2020, début de la lutte du FNDC contre le troisième mandat d’Alpha Condé.

A la barre, Aboubacar Fabou Camara a tout rejeté, s’efforçant de démontrer qu’il n’a fait que faire son travail : «Je ne reconnais pas les infractions, parce qu’il n’a jamais été victime d’arrestation arbitraire ou de menace dans les locaux de la DPJ. Il a fait objet de dénonciation et d’enquêtes approfondies par les services. Nous avons estimé que les propos et les actes de l’intéressé sont susceptibles d’être des infractions à la loi pénale.»

«Donc il n’a pas été violenté par vos services ?» s’interroge le juge Djéila Barry.

«Je ne mentirai pour personne, j’évalue tous les actes que je pose. Je vous jure qu’il n’a pas été violenté, il s’est levé de lui-même, a suivi l’officier qui était allé lui signifier son arrestation».

«Mais est-ce qu’il était nécessaire d’aller le cueillir à son domicile ? Est-ce qu’il avait reçu une convocation d’ailleurs ?», ajoute le juge

«Nous l’avons toujours fait, nous avions reçu l’autorisation du Procureur de la République de le rechercher», répond l’accusé. «Et vous l’avez gardé dans vos services en dehors du temps prévu par la loi, c’est une détention arbitraire…», lui répond le juge qui ajoute : «Est-ce qu’il n’a pas été visé parce qu’il était opposé au 3e mandat?» « Non. Il n’était pas visé, on ne se connaissait même pas», soutient l’officier de police à la barre. « Il était persécuté à cause de son opinion», lui lance le juge. «Je vous jure sur ma foi en Dieu et mon serment de policier, il n’était pas persécuté. Ça n’avait aucun lien avec son opinion politique ».

A la question de savoir si Fabou Camara regrette aujourd’hui ses actes, il est sans équivoque : « Je n’ai posé aucun acte qui puisse constituer une infraction. Je ne peux pas regretter une chose que je n’ai pas faite», répond-il au juge.

« J’avais dit à Fabou de faire attention…»

Oumar Sylla alias Foniké Menguè a balayé d’un revers de la main les affirmations de Fabou Camara devant la Cour. Selon lui, l’ancien tout puissant patron de la DPJ était bien à la base de ce qu’il subissait pendant ses arrestations : « J’ai été kidnappé à trois reprises. Lors de mon enlèvement le 17 avril 2020, trois pick-up remplis de policiers et de civils ont envahi mon domicile. Ils m’ont brutalisé, molesté, encagoulé avant de me jeter dans un pick-up. A la Villa 26 où j’ai été déposé la première fois, même pour aller aux toilettes j’étais en cagoule. On m’a ensuite envoyé à la DPJ, puis à la CMIS n°7 dans la cour de la Maison centrale. Là, j’ai été enfermé avec des voleurs à main armée dans un couloir de moins de deux mètres. C’est là-bas que j’ai commencé à développer certaines maladies. Tout ce que j’ai enduré dans cette lutte, c’est à cause des accusations fallacieuses que Fabou Camara a collées à ma personne. Je demande à ce que justice me soit rendue».

« Selon vous, pourquoi c’est vous qui étiez particulièrement visé et non les autres ?», demande à Foninké Mengué le juge. « C’est à cause de mon engagement contre le 3e mandat», répond le plaignant.

« Le commissionnaire vous a accusé d’avoir incité les citoyens à s’attaquer aux forces de l’ordre…»

« Je m’inscris en faux. Je ne peux pas lutter contre le tripatouillage constitutionnel et inciter à faire la violence», réplique Foninké Mengué.

Fabou Camara a également nié avoir menacé Foniké Menguè. Faux, rétorque celui-ci : « Dans son bureau, devant l’ancien ministre Mamadou Taran Diallo, Fabou m’a dit de me retirer du combat contre le 3e mandat. Je lui ai dit que je suis prêt à mourir pour ce combat. Il s’est énervé, a commencé à me menacer, à me traiter de tous les noms d’oiseaux. Je lui ai simplement dit de faire attention, parce que la roue tourne. Je lui ai dit qu’avant lui, quelqu’un d’autre occupait ce poste, quelqu’un d’autre occupera le poste après lui. Je lui ai dit de ne pas être zélé».

L’affaire est renvoyée au 28 février, pour la suite des débats.

Yacine Diallo