Alors que trois journalistes ont été arrêtés et détenus et qu’un autre a été violemment agressé, Reporters sans frontières (RSF) appelle les autorités à renoncer aux peines privatives de liberté pour les délits de presse et à faire toute la lumière sur l’attaque dont a été victime un journaliste d’Onua TV.
Depuis le début du mois de février, trois journalistes se sont retrouvés derrière les barreaux et ont été poursuivis pour diverses infractions présumées. Un autre a été violemment agressé par des policiers et se trouve toujours hospitalisé.
«Dans un pays où les arrestations de journalistes étaient devenues une exception, ces nouveaux cas de détention et d’agression sont particulièrement inquiétants, déplore le directeur du bureau Afrique de l’Ouest de RSF, Sadibou Marong. Ces pratiques sont contraires à l’exemplarité attendue d’un pays réputé pour la qualité de son information nationale, conséquence directe du libre exercice du journalisme dans le pays. Les autorités doivent renoncer à recourir aux peines privatives pour les délits de presse et doivent poursuivre et punir les responsables d’agression de journalistes.»
Présentateur sur la radio Accra FM, Kwabena Bobbie Ansah a été arrêté le 10 février, dans la capitale ghanéenne. Il est accusé de «publication de fausses nouvelles et de comportement offensant» par la police pour avoir diffusé, sur les réseaux sociaux, une vidéo citant nommément les deux épouses du président ghanéen, Nana Akufo-Addo, comme ayant frauduleusement acquis des terrains de l’Etat afin d’y construire les locaux d’une fondation – une information que la police, lors de son enquête, a jugée fausse.
Deux jours plus tôt, le journaliste de la radio privée Power FM Oheneba Boamah Bennie a écopé de deux semaines d’emprisonnement et d’une amende d’environ 414 euros pour outrage au président de la République et à magistrat. Le journaliste avait affirmé, dans une vidéo diffusée sur Facebook, qu’à la suite des élections présidentielles de 2020 qui avaient renouvelé son mandat, le président du Ghana avait rencontré huit magistrats afin d’influencer l’issue d’une requête déposée à la Cour suprême par son principal adversaire, John Mahama. Après sa condamnation, le journaliste a été transféré dans une prison au sud du pays.
Le 2 février, le journaliste de la chaîne de télévision Onua TV (Media Global Group) Blessed Godsbrain Smart a été arrêté pour une affaire présumée d’extorsion de fonds dont les détails n’ont pas été révélés par la police. C’est la deuxième fois que ce journaliste, réputé très critique envers le gouvernement, est appréhendé en moins de trois mois. Ses prises de position avaient d’ailleurs provoqué, en mai 2021, son limogeage de la radio Angel FM, à la demande du gouvernement.
Des agressions plus nombreuses
Au-delà des arrestations, les agressions de journalistes se multiplient dans le pays. Eric Nana Gyetuah, reporter à la radio Connect FM basée à Takoradi à l’ouest du Ghana, a fait l’objet, le 3 février, d’une attaque d’une rare violence par des policiers alors qu’il tentait de documenter l’arrestation d’un groupe de personnes, avant d’être menotté et emmené au poste de police. Toujours hospitalisé, le journaliste, blessé aux yeux et à la bouche, a eu le tympan perforé. C’est la cinquième fois depuis le début de l’année qu’un journaliste est agressé depuis le début de l’année, selon le décompte de RSF : en janvier, un reporter avait été agressé par le directeur d’un magasin à Sunyani, à l’ouest du Ghana, un autre par des supporters d’une équipe de football lors d’un match, et deux lors de l’attaque, par une dizaine d’individus masqués et armés, des locaux de la radio communautaire Ada, dans le sud-est du pays.
Le Ghana occupe la 30e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi en 2021 par RSF.
Reporters Sans Frontières