Je suis arrivé au Lynx en 1996 quand il n’avait que quatre ans. J’étais étudiant en Licence Journalisme à la Fac des Lettres et Sciences Humaines de l’Université Gamal Abdel Nasser de Conakry. Au fait, la création de La Lance pour en faire le groupe de presse, m’a envoyé vers Le Lynx.
Ce jour-là, je sortais de la bibliothèque Franco-Guinéenne (elle se trouvait où est érigé aujourd’hui MounaInternet), quand j’ai aperçu l’hebdo qui perce le cœur de l’évènement avec la photo de Saran Sanguiana Camara, à la Une. Elle venait de sortir son premier opus.
En regardant l’ours du journal, il était indiqué l’adresse 3ème étage, Immeuble Baldé Zaïre. On m’indiqua que c’était à quelques pas. Après avoir arpenté les escaliers obscurs par endroit, je me retrouve dans un couloir. Je salue le vigile Degrossi, assis. Je me suis présenté en lui disant que j’étais étudiant en journalisme et que je voulais rencontrer le Directeur de La Lance, que j’avais en main. Il m’informa que le Directeur était absent mais que si je voulais, il allait me présenter au Rédacteur en chef de La Lance. Il me fit attendre, pour entrer dans un petit bureau à gauche de l’entrée. Quelques instants après, il ressorti et me fit signe d’entrer.
Je me retrouve nez à nez avec Prosper Doré qui signait la rubrique « Cogito » en deuxième page. Salutations. Présentation de mon petit parcours d’étudiant. Expression de ma volonté de faire un stage. Prosper Doré m’accepta sur-le-champ, en me demandant de revenir le lendemain avec mon CV. Chose faite le lendemain. Prosper me montra la Der de La Lance où il n’y a avait que des faits divers. «Tu animeras désormais cette page des chiens écrasés », me confia-t-il. Voilà comment j’ai fait mes premiers pas, en fouillant partout à Conakry, le moindre fait divers ou de société. Par chance, j’arrivais à en dénicher deux ou trois et j’étais content de voir mes articles publiés. Je suis parvenu à satisfaire tellement la demande de Prosper Doré qu’il me surnomma « le Pape des faits divers ».
Ironie du sort, mon premier article paru dans Le Lynx était aussi un petit fait-divers. Un mendiant gagnait sa vie chez les gargotières de Madina, au nom de Titi Camara, à l’époque capitaine du Syli national. La Guinée venait de se qualifier à la CAN 1998. Depuis, que de belles choses avec des équipes dynamiques composées de Noumandian Camara, Sanou Kerfalla Cissé, Abou Bakr, Kollet Bangoura, Naby Moussa Camara, De Beck, Marly Tafsir, Sékou Amadou, Le Rossignol, Thierno Diallo, Prosper Doré, Diallo Souleymane, Bah Mamadou Lamine, Sékouba Savané, Kayoko Doré, Mohamed Baba Sylla, Kadjal Barry, Oscar, Sambry Sako, Slim, Assan Abraham Kéïta… Paix à l’âme de ceux qui sont décédés (Sékou Amadou, Prosper Doré, Sékou Amadou, Assan Abraham Kéïta, Mme Diallo Fatoumata Bintou, Thierno Diallo, Williams Sassine, Alhassane Diomandé, etc.). Tout ce monde a contribué, tant soit peu, au rayonnement du satirique mais aussi de La Lance. Menaces, intimidations, emprisonnements et autres tentatives de corruption n’ont pu nous faire changer de ligne. De 1996 à 2008, je me suis entièrement consacré à ce groupe de presse, l’un des pionniers en matière de presse écrite en Guinée. De Fory Coco à El Dadis en passant par le Général El Tigre jusqu’à Alpha Grimpeur, Le Lynx n’a épargné personne en Guinée.
Aujourd’hui, même si beaucoup ont quitté, le satirique s’est mis au goût du jour en ayant une version électronique. Ses bureaux ne sont plus à l’immeuble Baldé Zaïré. Du troisième, le félin est niché quelque part au cinquième étage d’un autre immeuble à Kipé, avec toujours un œil impertinent sur les acteurs de la vie sociale et politique guinéenne. Nous n’y sommes plus comme scribouillards, mais nous y veillons sur cette institution qui a fait de nous ce que nous sommes aujourd’hui.
Joyeux anniversaire Lynx…en attendant, nous n’avons pas encore fini de faire le deuil de Lynx FM.
Le Bah Zooka