Quatre jours après avoir lancé les Assises nationales qu’il a décrétées « Journées de vérité de pardon », le colonel Mamadi Doum-bouillant a mis en place le CNA (Comité national des assises) composé de 31 membres. Le décret a été lu ce 25 mars à la télébidon nationale. Des têtes bien connues sont promues au sein du Comité dont le rôle, dit-on, est d’élaborer le cadre méthodologique des Assises nationales, de conduire le processus de leur organisation, d’assurer la participation effective de toutes les composantes de la Nation, d’élaborer le rapport final des assises assorti des recommandations à la haute attention du Président de la Transition.

Parmi les promus, il y a les deux leaders religieux, El Hadj Mamadou Salifou Camara, imam de la mosquée Fayçal et Mgr Vincent Koulibaly, archevêque de Conakry. Ils co-président le CNA. Ne cherchez pas loin pourquoi c’est encore les deux. Ils sont venus achever le travail qu’ils avaient commencé en 2013 en tant co-présidents de la Commission provisoire de réflexion sur la réconciliation nationale. Selon les informations, cette commission avait sillonné le pays, fait des constats et recueilli les informations, produit un rapport avec des recommandations qui n’ont jamais été mises en œuvre par les autorités d’alors.

Parait qu’à son avènement, le CNRD a montré de l’intérêt pour le dossier et le Premier ministre s’était engagé à aller jusqu’au bout. Les autorités actuelles ne voudraient d’ailleurs pas se limiter à la seule période couverte par les travaux de la Commission provisoire, elles veulent plutôt remonter dans le temps, pour couvrir une période plus importante de l’histoire de la Guinée.

Mamadi Doum-bouillant a misé également sur des politiciens comme Amadéus Oury Bah, prési de l’UDRG et ancien ministre chargé de la Réconciliation nationale, de la Solidarité et des Relations avec les institutions dans le gouvernement Souaré. Il était d’ailleurs présent, le 22 mars, au lancement des présentes Assises. Au micro de notre confrère africaguinee, Amadéus Oury Bah a estimé que les Assises nationales sont « une opportunité, pour que la population s’approprie des grandes thématiques de la transition dans le cadre de la remise en force des fondamentaux de l’Etat de droit, des dynamiques de réconciliation nationale » et puis pour « esquisser des perspectives pour lutter contre toutes formes de discrimination ». Si pour lui les assises nationales sont un moment rare de liberté de parole pour les populations, la réconciliation nationale nécessite un travail bien élaboré. Cependant, estime le prési de l’UDRG, « la dynamique allant dans le sens de la recherche de la vérité doit être complétée par la quête de justice et la quête de réparation pour éviter des répétitions. Le pardon est un élément qui viendrait à la suite d’un processus transitionnel de vérité-justice-réconciliation-réparation et non répétition. » Amadéus Oury Bah se rappelle qu’en « en 2008, lorsqu’en tant que ministre de la réconciliation nationale, on avait organisé les assises des forces vives nationales, l’armée était présente.  Elle avait demandé pardon pour les exactions qui ont été commises par rapport au 22 janvier 2007, nous avions cru que c’était un pas extrêmement important qui a été franchi. Malheureusement, l’année suivante, le 28 septembre 2009, on a assisté à un carnage beaucoup plus dévastateur que ce qui a avait précédé. Donc, c’est pour dire que l’action pénale, l’action justice est un élément fondamental pour éviter la non répétition et aller dans la dynamique du pardon. »

Mame-Kalé Traoré, ancienne ministre et présidente du PACT (Parti de l’action citoyenne pour le travail), est aussi parmi les promus. Lors d’une sortie récente dans l’émission Mirador, l’activiste socio-politique, avait interpellé le président de la junte sur la nécessité de faire attention : « La population a commencé à avoir peur de votre pouvoir (…) Je vais juste demander au colonel Doumbouya de revoir la copie de son premier discours avant de commencer sa journée. L’introspection est souvent nécessaire. Ça vous permet de revoir ce que vous avez dit avant, ce que vous voulez faire à l’avenir… Il est très important de s’écouter. Ça vous permet de revenir sur vous-même ».

« Je n’y crois pas »

Ibrahima Sanoh, enseignant, milite depuis des années pour la réconciliation nationale basée sur le triptyque « Vérité-Justice-Réconciliation ». Sur son compte Facebook, juste après la lecture du décret mettant en place le CNA, il fait sa lecture des événements : « J’aurais pu être nommé ce soir. J’ai résisté à toutes les tentations et décliné toutes les propositions qui m’avaient été faites : devenir conseiller sur la réconciliation nationale d’un tel ou être nommé membre du Conseil National des Assises. » Pour lui, il n’est pas question d’être de cette équipe. « Quand on n’est pas d’accord, on dit non. C’est ce que j’ai fait. Je ne crois pas à la réussite de la réconciliation nationale à travers les Assises nationales. J’aurais pu penser à l’argent. Dieu sait que j’en ai besoin. Mais comment aurais-je pu m’associer à ce en quoi je ne crois pas ? Je ne pouvais pas renier mes travaux sur la question. Je ne trahis pas le symbole de ma marche de Kindia à Conakry en faveur de la mémoire : 135 km. »

Th Hassane Diallo