Ses mauvais présidents ayant chiffonné le costume de la démocratie, que pouvait donc faire l’Afrique sinon, ressortir de la malle les nippes d’antan,  celles  du temps des vaches maigres, je veux dire, le treillis des colonels et l’abacost du parti unique ?

Les gradés sont de retour au Mali, en Guinée et au Burkina-Faso. Et ils ont bien failli s’emparer du pouvoir en Guinée-Bissau aussi. Trois coups d’Etat en un an (ou plutôt trois et demi, pour parler comme les chansonniers) ! Et rien ne dit que l’avalanche a atteint ses limites. Les mauvaises causes produisant les mauvais effets, le choléra du troisième mandat a entraîné la peste des néo-coups d’Etat. Si ces messieurs de la Cedeao avaient eu le courage de condamner la première, ils n’auraient pas pris la peine  de sanctionner la seconde. Mais bon, le mal est fait, irrémédiablement fait. L’Afrique se trouve coincée dans un dilemme dont elle aura du mal à sortir.

On est en droit de penser qu’elle est condamnée dans les prochaines décennies à crouler sous le poids des dynasties militaires.  Les Assimi Goïta, Mamadi Doumbouya et consorts n’ont, pas du tout l’air pressés, en effet. Au Mali, on évoque sans pudeur une transition de cinq ans, ce qui équivaudrait à un mandat présidentiel en bonne et due forme. Pire, en Guinée,  six mois après le coup d’Etat, aucun délai n’a encore été fixé concernant le retour à la légalité constitutionnelle. Pour des raisons qui lui sont propres, le Lieutenant-Colonel Mamadi Doumbouya n’a même pas publié la liste de son Comité  National pour le Rassemblement et le Développement (CNRD),  l’organe suprême de sa junte. Un gouvernement qui avance masqué est un gouvernement qui a des choses odieuses à cacher. L’homme qui avait suscité un fol espoir le 5 Septembre dernier, a fini de décevoir, il commence à inquiéter, voire même à terrifier. Sa très surprenante décision de baptiser l’aéroport de Conakry du nom du tyran, Sékou Touré, et le harcèlement dont font l’objet Sidya Touré et Cellou Dalein Diallo, les deux principaux leaders de l’opposition ont ouvert les yeux des Guinéens sur ses véritables intentions. L’idée d’une transition ne hante pas l’esprit de cet homme. Son but secret c’est de balayer l’opposition et de régner dans la suite logique de ses prédécesseurs.  Ce qui se passe au Burkina-Faso n’est pas plus rassurent, hélas ! Ne nous voilons pas la face, la dictature en Afrique, a encore de beaux jours devant elle.

C’est la fin des haricots. Plus personne ne croit à l’illusion démocratique des années 90. L’avenir sera en treillis et n’imaginons pas que la catastrophe ne sera qu’économique et sociale. Elle sera aussi largement sécuritaire. Pourquoi croyez-vous que les djihadistes ont tant de facilité à avancer leurs pions ? Parce que nos armées sont défaillantes. Défaillantes en tant que forces de défense, rien ne dit qu’elles ne seront pas pires en mettant sur leurs épaules toutes les charges de l’Etat. Les pauvres, l’économie, la culture, la diplomatie, les élections, en plus de ce véritable casse-tête  qu’est devenue la sécurité dans nos pays, c’est trop pour elles, seules !

C’est déjà si dur de brimer les opposants et de mater les ouvriers et les étudiants !

Tierno Monénembo